Le Bouard Avocats
Dans son arrêt du 27 mars 2025 [[Cass. 3e civ., 27 mars 2025, n° 23-22.383]], la Cour de cassation rappelle une règle essentielle en matière de bail commercial : le preneur est tenu de respecter strictement la destination prévue au contrat. Lorsqu’un bail est conclu pour un usage de « snack », cela n’implique pas implicitement le droit d’exploiter un véritable restaurant.
Le litige opposait un bailleur à un locataire qui, au sein de locaux expressément loués pour y exploiter un snack, avait mis en place une activité de restauration avec service à table, cuisine aménagée, et plats élaborés. La Haute juridiction approuve la cour d’appel, qui avait jugé que le locataire avait unilatéralement modifié la destination des lieux, constituant ainsi un manquement grave au bail. Pour ce type de problématique, il est essentiel de contacter un avocat en droit commercial spécialisé en bail commercial dans les Yvelines.
L’enjeu de cette décision repose sur la qualification juridique de l’activité exercée. Le terme « snack » ne bénéficie pas d’une définition légale, mais la jurisprudence en a progressivement précisé le périmètre. Il s’agit d’une restauration rapide, simple, souvent sans service à table, avec une préparation minimale.
Dans l’affaire en cause, les juges ont retenu que le locataire exploitait un établissement comportant :
Le tout opéré sous l’enseigne de « snack-restaurant », proposant notamment des spécialités françaises et asiatiques.
Ce développement substantiel de l’activité, sans demande de modification du bail, a été considéré comme une violation de la clause de destination, même en l’absence de clause limitative stricte sur le type de plats servis.
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Cette décision s’inscrit dans la continuité de plusieurs arrêts antérieurs ayant posé une distinction claire entre différentes formes de restauration. Déjà en 1998, la Cour de cassation avait jugé que l’activité de « café-bar-petite restauration » n’inclut pas la préparation et le service de plats garnis, qui relèvent d’une restauration traditionnelle [[Cass. 3e civ., 17 nov. 1998, n° 1674 D]].
De même, l’aménagement d’un restaurant complet dans des locaux initialement affectés à un bar-snack avait été sanctionné comme excédant la destination contractuelle [[Cass. 3e civ., 27 mai 1998, n° 826 D]].
La jurisprudence retient ainsi une approche fonctionnelle et matérielle de la destination : ce sont les moyens déployés, l’aménagement des locaux et le type de service proposé qui déterminent la nature réelle de l’activité.
En l’espèce, le locataire n’avait pas sollicité l’accord des bailleurs pour transformer les lieux en restaurant. Il avait donc modifié unilatéralement l’objet du contrat, en violation des obligations issues de l’article [[1728 du Code civil]], qui impose au preneur d’user des lieux conformément à leur destination.
La Cour de cassation valide la résiliation judiciaire du bail, sur le fondement d’un manquement grave, sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice distinct pour le bailleur. Le fait que le locataire ait poursuivi son activité malgré l’introduction d’une procédure judiciaire vient, par ailleurs, conforter la gravité du comportement.
Cet arrêt doit inciter bailleurs et preneurs à faire preuve de précision et de rigueur lors de la rédaction de la clause de destination. Une simple mention « snack » ne saurait servir de fondement juridique suffisant pour une exploitation en tant que restaurant, même en l’absence de clause d’exclusivité.
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L’arrêt du 27 mars 2025 rappelle avec fermeté que le respect de la clause de destination est une condition essentielle de la stabilité du bail commercial. Le passage d’un snack à une activité de restauration traditionnelle ne constitue pas une simple extension, mais un changement substantiel nécessitant l’accord exprès du bailleur. À défaut, le locataire s’expose à la résiliation du contrat.
Dans le contexte actuel de transformation du secteur de la restauration, où les concepts hybrides se multiplient, cette jurisprudence impose un retour à la lettre du contrat. Elle confirme que la sécurité juridique du bail repose d’abord sur le respect de ses stipulations fondamentales.