May 19, 2025

Le Bouard Avocats

Bail commercial à usage de snack : pas de restauration traditionnelle sans accord exprès du bailleur

Ce qu’il faut savoir avant d’exercer une activité de restauration dans un local à usage de snack

  • Un bail commercial prévoyant une activité de snack ne permet pas automatiquement l’exploitation d’un restaurant traditionnel.
  • La restauration rapide (sandwichs, plats simples sans service à table) est tolérée, mais toute activité plus élaborée nécessite l’accord écrit du bailleur.
  • En cas de dépassement non autorisé de la destination contractuelle, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire du contrat.
  • L’aménagement de cuisines professionnelles, le service à table ou une carte gastronomique sont autant de signes d’un changement d’activité illicite.

Une activité contractuellement encadrée par la clause de destination

Dans son arrêt du 27 mars 2025 [[Cass. 3e civ., 27 mars 2025, n° 23-22.383]], la Cour de cassation rappelle une règle essentielle en matière de bail commercial : le preneur est tenu de respecter strictement la destination prévue au contrat. Lorsqu’un bail est conclu pour un usage de « snack », cela n’implique pas implicitement le droit d’exploiter un véritable restaurant.

Le litige opposait un bailleur à un locataire qui, au sein de locaux expressément loués pour y exploiter un snack, avait mis en place une activité de restauration avec service à table, cuisine aménagée, et plats élaborés. La Haute juridiction approuve la cour d’appel, qui avait jugé que le locataire avait unilatéralement modifié la destination des lieux, constituant ainsi un manquement grave au bail. Pour ce type de problématique, il est essentiel de contacter un avocat en droit commercial spécialisé en bail commercial dans les Yvelines.

Une distinction fonctionnelle entre snack et restaurant

L’enjeu de cette décision repose sur la qualification juridique de l’activité exercée. Le terme « snack » ne bénéficie pas d’une définition légale, mais la jurisprudence en a progressivement précisé le périmètre. Il s’agit d’une restauration rapide, simple, souvent sans service à table, avec une préparation minimale.

Dans l’affaire en cause, les juges ont retenu que le locataire exploitait un établissement comportant :

  • une cuisine professionnelle de 30 m²,
  • une salle de restauration de 50 m² avec service à table,
  • plusieurs kiosques annexes,
  • un jardin aménagé et une offre de plats sophistiqués.

Le tout opéré sous l’enseigne de « snack-restaurant », proposant notamment des spécialités françaises et asiatiques.

Ce développement substantiel de l’activité, sans demande de modification du bail, a été considéré comme une violation de la clause de destination, même en l’absence de clause limitative stricte sur le type de plats servis.

A lire : quelles sont les différences entre bail commercial et droit au bail ?

Une jurisprudence constante et structurée

Cette décision s’inscrit dans la continuité de plusieurs arrêts antérieurs ayant posé une distinction claire entre différentes formes de restauration. Déjà en 1998, la Cour de cassation avait jugé que l’activité de « café-bar-petite restauration » n’inclut pas la préparation et le service de plats garnis, qui relèvent d’une restauration traditionnelle [[Cass. 3e civ., 17 nov. 1998, n° 1674 D]].

De même, l’aménagement d’un restaurant complet dans des locaux initialement affectés à un bar-snack avait été sanctionné comme excédant la destination contractuelle [[Cass. 3e civ., 27 mai 1998, n° 826 D]].

La jurisprudence retient ainsi une approche fonctionnelle et matérielle de la destination : ce sont les moyens déployés, l’aménagement des locaux et le type de service proposé qui déterminent la nature réelle de l’activité.

Un manquement contractuel ouvrant droit à résiliation

En l’espèce, le locataire n’avait pas sollicité l’accord des bailleurs pour transformer les lieux en restaurant. Il avait donc modifié unilatéralement l’objet du contrat, en violation des obligations issues de l’article [[1728 du Code civil]], qui impose au preneur d’user des lieux conformément à leur destination.

La Cour de cassation valide la résiliation judiciaire du bail, sur le fondement d’un manquement grave, sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice distinct pour le bailleur. Le fait que le locataire ait poursuivi son activité malgré l’introduction d’une procédure judiciaire vient, par ailleurs, conforter la gravité du comportement.

Enjeux pratiques pour les professionnels de l’immobilier commercial

Cet arrêt doit inciter bailleurs et preneurs à faire preuve de précision et de rigueur lors de la rédaction de la clause de destination. Une simple mention « snack » ne saurait servir de fondement juridique suffisant pour une exploitation en tant que restaurant, même en l’absence de clause d’exclusivité.

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Recommandations pratiques :

  • Pour le bailleur : prévoir une clause de destination explicite, éventuellement accompagnée d’un cahier des charges ou d’une limitation fonctionnelle (surface, type de restauration, absence de cuisson, etc.).
  • Pour le preneur : solliciter systématiquement un accord écrit du bailleur en cas d’évolution de l’activité, même progressive.
  • En cas de contentieux : la preuve de l’évolution effective de l’activité (constat d’huissier, type de plats servis, organisation des lieux) sera déterminante pour caractériser un dépassement.

L’arrêt du 27 mars 2025 rappelle avec fermeté que le respect de la clause de destination est une condition essentielle de la stabilité du bail commercial. Le passage d’un snack à une activité de restauration traditionnelle ne constitue pas une simple extension, mais un changement substantiel nécessitant l’accord exprès du bailleur. À défaut, le locataire s’expose à la résiliation du contrat.

Dans le contexte actuel de transformation du secteur de la restauration, où les concepts hybrides se multiplient, cette jurisprudence impose un retour à la lettre du contrat. Elle confirme que la sécurité juridique du bail repose d’abord sur le respect de ses stipulations fondamentales.