Le Bouard Avocats
Le comblement du passif, une disposition fondamentale du droit des procédures collectives, vise à engager la responsabilité financière des dirigeants ayant contribué à l'insuffisance d'actif d'une société en liquidation judiciaire. Cet article propose une analyse approfondie de cette notion, en s’appuyant sur les textes législatifs et les récents apports jurisprudentiels.
L’insuffisance d’actif correspond à la différence entre le montant total des dettes admises au passif de la société et l’actif réalisé lors de la liquidation. Ce déséquilibre reflète l’incapacité de l’entreprise à honorer ses engagements financiers à l’issue de la procédure collective.
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L’article L. 651-2 du Code de commerce encadre la responsabilité pour insuffisance d’actif. Il stipule que les dirigeants de droit ou de fait, dont les fautes de gestion ont contribué à cette insuffisance, peuvent être condamnés à la supporter intégralement ou partiellement.
La jurisprudence constante, confirmée récemment par la Cour de cassation (Cass. com., 23 octobre 2024, n° 23-15.365), rappelle que seules les dettes nées avant le jugement d’ouverture de la procédure collective sont prises en compte pour évaluer l’insuffisance d’actif. Les dettes postérieures, y compris les frais liés à la réalisation de l’actif (frais de recouvrement, ventes aux enchères, etc.), sont exclues.
L’actif réalisé englobe les éléments vendus ou recouvrés dans le cadre de la liquidation judiciaire. Cependant, les frais directement liés à ces opérations ne doivent pas être déduits de l’actif, comme l’a précisé la Cour de cassation dans son arrêt du 23 octobre 2024.
Pour engager la responsabilité des dirigeants, plusieurs conditions doivent être réunies :
Les dirigeants peuvent être condamnés à combler tout ou partie de l’insuffisance d’actif. Cette décision repose sur l’ampleur de leur faute et son impact sur la situation financière de l’entreprise.
Dans cette affaire, un dirigeant a été condamné à combler une insuffisance d’actif de 1 874 006,34 euros, incluant des frais de recouvrement et de vente aux enchères. La Cour de cassation a censuré cette décision, rappelant que ces frais, étant postérieurs à l’ouverture de la liquidation, ne pouvaient être pris en compte.
Cet arrêt souligne la nécessité pour les juges du fond de :
Les dirigeants doivent veiller à :
Les avocats spécialisés en liquidation judiciaire doivent :
La responsabilité pour insuffisance d’actif demeure un outil puissant pour sanctionner les dirigeants ayant failli à leurs obligations. Toutefois, son application nécessite une rigueur dans la distinction entre les dettes imputables aux dirigeants et celles liées au processus de liquidation. L’arrêt du 23 octobre 2024 apporte une nouvelle pierre à l’édifice jurisprudentiel en clarifiant les contours de cette responsabilité.
En somme, une gestion éclairée et conforme aux règles de l’art reste la meilleure protection pour les dirigeants contre les risques de condamnation. Les praticiens, quant à eux, doivent rester vigilants pour défendre au mieux les intérêts de leurs clients dans ce domaine complexe et en constante évolution.