Le Bouard Avocats
L’agrément des associés est une formalité centrale dans les cessions de parts sociales au sein des sociétés à responsabilité limitée (SARL). Régie par l’article L. 223-14 du Code de commerce, cette procédure encadre de manière stricte le transfert de titres à un tiers étranger à la société. Un récent arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 2 avr. 2025, n° 23-23.553) vient utilement rappeler que le délai de trois mois pour statuer sur l’agrément ne saurait être prolongé, même en cas de consultation écrite des associés.
En matière de cession de parts à un tiers, l’article L. 223-14 du Code de commerce énonce une règle claire : les associés disposent d’un délai de trois mois à compter de la dernière notification du projet de cession pour se prononcer sur l’agrément du cessionnaire. À défaut de décision expresse dans ce délai, le consentement est réputé acquis.
Ce délai de trois mois, dont la finalité est de garantir la stabilité du capital social tout en préservant la liberté de cession, est un délai impératif. La jurisprudence considère qu’il est d’ordre public. Il ne peut donc ni être suspendu, ni prorogé, y compris en cas de circonstances exceptionnelles ou de procédures internes allongeant les délais de décision.
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, une associée de SARL notifie un projet de cession de ses parts à un tiers. Face à l’inaction de la société, elle saisit le juge pour provoquer la tenue d’une assemblée générale. Le gérant opte alors pour une consultation écrite des associés, conformément à l’article R. 223-22 du Code de commerce, qui impose un délai minimal de quinze jours aux associés pour se prononcer.
La difficulté surgit lorsque ce délai de 15 jours repousse la date de consultation au-delà du terme du délai légal de trois mois pour statuer sur l’agrément. La société oppose que ce délai réglementaire (issu de l’article R. 223-22) justifie cette prolongation. L’argument est écarté par les juges du fond et confirmé par la Cour de cassation.
La Haute juridiction rappelle avec fermeté que le délai de trois mois prévu par l’article L. 223-14 est intangible, même si le gérant choisit une modalité de consultation qui impose un autre délai (en l’espèce, le délai minimal de réponse prévu pour une consultation écrite).
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Cette décision éclaire les praticiens sur un point de procédure souvent mal anticipé : les délais fixés par voie réglementaire (comme le délai de réponse de 15 jours à une consultation écrite) n’ont pas vocation à suspendre ou proroger un délai légal d’ordre public.
Autrement dit, c’est au gérant qu’il revient d’organiser la consultation dans le respect de l’ensemble des délais applicables. Il doit, par exemple :
Ce raisonnement est transposable à toute autre forme de procédure de consultation, y compris par voie d’assemblée générale. Le respect du préavis de convocation (15 jours selon l’article R. 223-20) n’autorise pas non plus à prolonger le délai d’agrément.
Lorsque les associés ne se prononcent pas expressément dans les trois mois suivant la dernière notification du projet de cession, le consentement est légalement réputé acquis.
Cela signifie que :
Ce principe, rappelé avec force par la Cour dans cet arrêt, vise à éviter les blocages et à sécuriser les opérations de cession. Il incite à une rigueur procédurale accrue de la part des dirigeants de SARL, notamment en matière de gestion des calendriers de décision.
Pour les avocats en droit des sociétés à Versailles, dirigeants de SARL et conseils d’entreprise, plusieurs points de vigilance s’imposent :
Enfin, toute incertitude sur la computation des délais doit conduire à privilégier une approche conservatoire, dans l’intérêt de la sécurité juridique des parties et de la stabilité du capital social.
Par son arrêt du 2 avril 2025, la Cour de cassation vient confirmer une lecture stricte, mais cohérente, de l’article L. 223-14 du Code de commerce. Cette décision rappelle que le respect des délais légaux est une exigence de fond, à laquelle aucune contrainte d’organisation interne ou de calendrier procédural ne peut déroger.
Ce formalisme peut apparaître rigide, mais il est le corollaire nécessaire de la protection du consentement des associés en matière de cession de titres sociaux. La vigilance procédurale demeure donc une condition essentielle à la validité des opérations de cession au sein des SARL.