Le Bouard Avocats
Le traitement comptable et fiscal des dépenses de développement occupe une place essentielle dans la gestion des entreprises innovantes.
Ces dépenses peuvent être comptabilisées soit en charges immédiates, soit inscrites à l'actif du bilan en tant qu'immobilisations incorporelles, sous réserve de remplir des conditions strictes posées par la réglementation.
Conformément aux articles R. 123-186 et L. 123-17 du Code de commerce, les frais de développement ne peuvent être portés à l’actif que s'ils concernent des projets nettement individualisés et présentent de sérieuses chances de rentabilité commerciale. Cette exigence participe du principe de sincérité des comptes[[C. com., art. L. 123-14]].
Le non-respect de ces critères expose l’entreprise à des redressements fiscaux et à la remise en cause d'avantages associés, notamment en matière de crédit d'impôt recherche.
Selon l'article R. 123-186 du Code de commerce, les frais de développement peuvent être immobilisés uniquement si :
L'entreprise doit donc être en mesure de démontrer la viabilité économique du projet dès la clôture de l'exercice au cours duquel les dépenses sont engagées.
À défaut, ces dépenses doivent être comptabilisées en charges de l'exercice[[C. com., art. L. 123-12, al. 2]].
Le principe de permanence des méthodes, énoncé à l'article L. 123-17 du Code de commerce, interdit de modifier les traitements comptables d'un exercice à l'autre sans raison exceptionnelle.
Ainsi, l'option pour l'immobilisation ou la comptabilisation en charges des frais de développement est irréversible, sauf changement de situation ou modification des normes comptables.
L’administration fiscale se montre particulièrement attentive à la stabilité des méthodes déclarées[[CGI, art. 236 I]].
La décision de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 décembre 2024[[CAA Versailles, 19 déc. 2024, n° 23VE01763]] éclaire le sort des dépenses de développement engagées pour des projets en phase de recherche.
Dans cette affaire, une société ayant participé à un projet de consortium, dans le cadre d'un appel d’offres du Centre national d'études spatiales (CNES), avait comptabilisé certaines dépenses en charges et d’autres en immobilisations.
L'administration fiscale avait remis en cause cette option, considérant que l’ensemble des dépenses devait être immobilisé.
La cour juge que :
Cette solution confirme la nécessité d'une analyse fine projet par projet, et non d'une approche globale.
Afin de limiter les risques de redressement fiscal et de contestation en cas de contrôle, il est fortement conseillé de :
Cette approche méthodique permet d’anticiper les demandes de justification de l’administration.
Les avocats et conseils doivent sensibiliser leurs clients aux risques liés à une mauvaise qualification comptable des dépenses de développement :
La gestion comptable et fiscale des dépenses de développement et immobilisation requiert une attention rigoureuse.
La jurisprudence récente[[CAA Versailles, 19 déc. 2024, n° 23VE01763]] rappelle que seules les dépenses associées à des projets nettement individualisés et viables peuvent être activées.
En cas d’incertitude, la prudence doit prévaloir au bénéfice d’une comptabilisation en charges, sécurisant ainsi l’entreprise contre toute remise en cause ultérieure.
La documentation précise des projets et la constance dans l’application des méthodes comptables restent les meilleurs remparts contre le risque fiscal.