January 17, 2025

Le Bouard Avocats

Le dol en franchise : obligations d’information et conséquences juridiques

Ce qu'il faut retenir :
  • Le franchiseur doit fournir un DIP sincère et actualisé pour garantir un consentement éclairé du franchisé, conformément à l’article L330-3 du Code de commerce.
  • Le dol peut entraîner l’annulation du contrat si des informations essentielles ont été dissimulées, même si le DIP est conforme formellement.
  • En cas de dol, le franchisé peut demander des dommages et intérêts pour les pertes financières subies ou les frais liés à la sortie du réseau.

Le droit de la franchise, au croisement des intérêts économiques et des relations commerciales, impose au franchiseur une obligation d’information renforcée pour garantir un consentement éclairé du franchisé. Cette obligation, encadrée par l’article L330-3 du Code de commerce, revêt une importance particulière lorsque le consentement du franchisé est vicié par un dol, notamment en cas de dissimulation d’informations essentielles.

Dans cet article, nous analyserons les contours de l’obligation d’information précontractuelle, les conséquences d’un dol du franchiseur, et les recours juridiques à la disposition du franchisé.

L’obligation d’information précontractuelle du franchiseur

Un cadre juridique strict : le document d’information précontractuelle (DIP)

L’article L330-3 du Code de commerce impose au franchiseur de transmettre, au moins 20 jours avant la signature du contrat commercial, un document d’information précontractuelle (DIP). Ce document vise à fournir au franchisé des informations sincères et pertinentes lui permettant de s’engager en toute connaissance de cause.

Le contenu du DIP, détaillé par l’article R330-1 du Code de commerce, inclut notamment :

  • Une présentation de l’ancienneté et de l’expérience du réseau.
  • La liste des entreprises du réseau (ou les 50 plus proches du lieu d’exploitation envisagé).
  • Le nombre de membres ayant quitté le réseau au cours de l’année précédente, avec les motifs de ces départs (expiration, résiliation ou annulation des contrats).

le dole en matière de contrat de franchise

Les limites de la conformité formelle

La simple conformité formelle du DIP ne suffit pas toujours à garantir l’exactitude et la complétude des informations transmises. En effet, les tribunaux ont reconnu que le dol peut être retenu à l’encontre d’un franchiseur même lorsque le DIP respecte les exigences légales. Une jurisprudence constante, notamment un arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 2024, rappelle que le franchiseur doit actualiser les informations communiquées si des éléments déterminants surviennent avant la signature du contrat.

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Le dol en matière de franchise

Définition et application en droit commercial

Le dol, défini à l’article 1137 du Code civil, correspond à des manœuvres frauduleuses destinées à obtenir le consentement d’une partie en lui dissimulant des informations essentielles. En matière de franchise, le dol peut résulter :

  • De l’omission volontaire d’informer le franchisé de la dégradation du réseau.
  • De la fourniture de données inexactes ou obsolètes concernant la rentabilité ou la pérennité du réseau.

Jurisprudence récente : une obligation renforcée d’actualisation

Dans l’affaire commentée, la Cour de cassation a cassé une décision de la cour d’appel de Paris qui avait rejeté la demande d’annulation du contrat pour dol. La cour d’appel avait considéré que le DIP fourni avant la signature était conforme, mais elle n’avait pas pris en compte les modifications survenues entre la transmission du DIP et la conclusion du contrat.

La haute juridiction a rappelé que le franchiseur doit veiller à actualiser les informations si des événements significatifs surviennent dans cet intervalle. Par exemple, le franchisé aurait dû être informé :

  • Du nombre réel de sorties du réseau au 30 septembre 2011.
  • De l’ouverture de procédures judiciaires contre le franchiseur en mars 2011.

Ces éléments, s’ils avaient été connus, auraient pu dissuader le franchisé de s’engager.

Les recours juridiques du franchisé

Annulation du contrat pour vice du consentement

En cas de dol, le franchisé peut demander l’annulation du contrat sur le fondement de l’article 1130 du Code civil, qui stipule que le dol est une cause de nullité lorsqu’il vicie le consentement. Pour ce faire, le franchisé doit démontrer :

  1. Que des informations essentielles lui ont été dissimulées.
  2. Que ces informations auraient modifié son consentement s’il en avait eu connaissance.

Dans ce type de contentieux, la charge de la preuve repose sur le franchisé, bien qu’une fois le dol établi, la nullité du contrat puisse être prononcée par le juge.

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Réparation du préjudice subi

Outre l’annulation du contrat, le franchisé peut également solliciter des dommages et intérêts pour le préjudice causé par les manœuvres dolosives. Ce préjudice peut inclure :

  • Les pertes d’exploitation liées à une activité non rentable.
  • Les coûts engagés pour la mise en place de la franchise (droit d’entrée, aménagements, etc.).
  • Les frais liés à la résiliation et à la sortie du réseau.

Dans l’affaire commentée, le franchisé a obtenu une indemnisation pour les frais de dépose des éléments de marque, en raison de l’inexactitude des informations communiquées avant la signature du contrat.

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Les obligations du franchiseur et les risques encourus

Une obligation de transparence renforcée

Le franchiseur est tenu de fournir des informations sincères et actualisées, conformément à l’article L330-3 du Code de commerce. Toute omission ou manipulation d’informations expose le franchiseur à des sanctions juridiques importantes, qu’il s’agisse de nullité du contrat ou d’indemnisation du franchisé.

Sanctions civiles et pénales

En cas de manquement grave, le franchiseur peut être poursuivi pour faute contractuelle et voir sa responsabilité engagée. Les sanctions peuvent inclure :

  • L’annulation du contrat pour vice du consentement.
  • Le paiement de dommages et intérêts.
  • La perte de crédibilité de son réseau.

Dans certains cas extrêmes, une action pénale pour escroquerie peut également être envisagée si les manœuvres frauduleuses sont avérées.

Conclusion

Le droit de la franchise, tout en offrant des opportunités commerciales importantes, impose une grande rigueur aux franchiseurs dans la communication des informations précontractuelles. Le respect de l’article L330-3 du Code de commerce est essentiel pour garantir un consentement éclairé du franchisé et éviter tout litige ultérieur.

Pour les franchisés, il est crucial de vérifier les informations communiquées et de s’entourer d’un avocat  en droit commercial à Versailles pour sécuriser leur engagement. En cas de doute ou de contentieux, l’accompagnement juridique permet d’assurer la défense de leurs droits et, le cas échéant, d’obtenir réparation des préjudices subis.