Quatre réflexes clés pour sécuriser votre société après la radiation
- Le compte à rebours démarre dès la publication
À compter de l’avis de radiation au BODACC, tout créancier dispose d’un an exactement pour solliciter la liquidation judiciaire de la société dissoute [[C. com., art. L 640-5]]. - La clôture précipitée est risquée
Dissoudre avant d’avoir soldé les dettes – notamment salariales – expose les associés et le liquidateur à des actions postérieures, malgré la disparition de la société au RCS. - La personnalité morale ne vous protège plus
La société survit uniquement pour terminer la liquidation, mais cette survivance n’interrompt pas le délai d’un an ; un créancier diligent peut encore saisir le tribunal. - Plan B après le délai
Passé l’année, les créanciers peuvent viser :
Comprendre le compte à rebours d’un an
L’économie du texte
Le législateur a voulu éviter qu’une société « fantôme » soit poursuivie indéfiniment. En fixant un délai préfix – donc insusceptible d’interruption ou de suspension – il purge rapidement les risques de procédure collective. Le point de départ est objectif : la date de publication au BODACC, non la date à laquelle le créancier découvre son impayé.
Jurisprudence récente
Par un arrêt du 26 mars 2025, la Cour de cassation a rejeté la demande d’un salarié formulée vingt-huit mois après la radiation, malgré un contrat encore actif au moment des faits [[Cass. com., 26 mars 2025, n° 24-12.020]]. Moralité : même une créance salariale, pourtant privilégiée, n’échappe pas à la règle.
Dissoudre sans péril : la checklist du dirigeant
- Cartographier le passif
- Salaires, fournisseurs, taxes : dresser un état exhaustif.
- Vérifier les litiges prud’homaux en cours.
- Valider la trésorerie de clôture
- Bloquer un budget pour les frais inattendus (honoraires de conseil, rappel de charges).
- Communiquer en interne
- Informer les salariés de la date prévisionnelle de dissolution.
- Remettre les documents sociaux (certificat de travail, soldes de tout compte).
- Publier seulement une fois toutes les pièces en règle
- Mettre en place une veille « post-vie »
- Suivre pendant douze mois les notifications éventuelles de créanciers.
- Conserver une adresse de correspondance active pour recevoir les assignations.
Gérer l’assignation éventuelle dans l’année
Réagir rapidement
- Mandater un avocat spécialisé dès réception de l’assignation ; le tribunal ouvre rarement la liquidation sans débat contradictoire.
- Négocier une solution amiable quand la créance est modeste : un protocole peut éviter l’entrée dans une procédure collective.
Préparer le dossier de défense
- Joindre la preuve des paiements déjà effectués.
- Produire le rapport de liquidation pour démontrer la bonne foi du liquidateur.
Après la deadline : faut-il encore s’inquiéter ?
Réouverture de la liquidation amiable
Un créancier peut solliciter un mandataire ad hoc si la liquidation a été clôturée à la hâte. Les tribunaux examinent la demande au regard de la sincérité des opérations d’apurement ; un dossier soigné limite ce risque.
Action contre les associés
- Portée limitée : l’engagement financier ne dépasse jamais la part de boni de liquidation perçue.
- Prévention : conserver les comptes bancaires prouvant l’affectation du boni peut dissuader l’action.
Responsabilité du liquidateur
Trois conditions cumulatives : faute de gestion, préjudice et lien de causalité. Le liquidateur qui suit un processus rigoureux (inventaire, convocations régulières, information des tiers) réduit grandement le danger.
Cas pratique : une PME de services informatiques
- Dates clés
- Problème
Un client règle sa facture de 12 000 € en retard, constate un bug et réclame la restitution du prix en juillet 2025. - Analyse
L’action en liquidation judiciaire est irrecevable : le délai d’un an expirait le 30 avril 2025. Le client dispose toutefois d’un recours contre les associés (boni : 8 000 €) ou contre le liquidateur s’il prouve une faute de surveillance. - Leçon
Un solde de très faible montant aurait justifié le maintien d’une provision ou la renégociation avant la dissolution.
Conseils stratégiques du cabinet
- Prioriser l’audit social : les dettes salariales génèrent les assignations les plus fréquentes.
- Anticiper les litiges potentiels : un accord transactionnel signé avant la dissolution lève de nombreux aléas.
- Instaurer un poste “contrôle post-radiation” : 12 mois de veille représentent un coût minime comparé à une liquidation judiciaire imposée.
Ppiloter la sortie comme un projet d’investissement
Clôturer sereinement une société, c’est investir du temps avant la dissolution et garder un œil vigilant pendant l’année qui suit. Pour le dirigeant, respecter ce calendrier n’est pas une formalité : c’est la meilleure assurance contre les procédures collectives imposées, la perte d’image et les frais additionnels. La règle est simple : un contrôle rigoureux en amont et une veille post-radiation bien organisée valent mieux qu’une défense tardive devant le tribunal de commerce.