April 30, 2025

Le Bouard Avocats

Fusion simplifiée d'une SAS : faut-il une décision collective des associés ?

Fusion simplifiée d'une SAS : ce qu’il faut vérifier avant d’agir

Avant toute opération de fusion simplifiée impliquant une SAS, il est essentiel de :

  • Relire attentivement les statuts : une clause imposant une décision collective prime sur la dispense prévue par l’article L. 236-11 du Code de commerce.
  • Identifier la formulation exacte : seules les mentions renvoyant explicitement aux "conditions légales" permettent de faire prévaloir la simplification.
  • Éviter toute précipitation : l'absence de consultation des associés en contradiction avec les statuts pourrait fragiliser juridiquement la fusion.
  • Prévoir si nécessaire une modification statutaire : en amont de l’opération, pour sécuriser le recours au régime simplifié et éviter un contentieux ultérieur.

Comprendre le régime juridique de la fusion simplifiée

La logique du régime simplifié pour les fusions intragroupe

La fusion simplifiée constitue un outil juridique fréquemment utilisé dans le cadre de réorganisations intragroupe. Prévue par les articles L. 236-8 et L. 236-11 du Code de commerce, elle permet notamment d'éviter certaines formalités lourdes, telles que l'approbation par assemblée générale, lorsque la société absorbante détient 100 % du capital et des droits de vote de la société absorbée.

Ce dispositif vise à accélérer les opérations de fusion tout en préservant les droits des tiers (notamment les créanciers) via des procédures d'opposition et de publicité préalables.

L’application aux SAS : un cas particulier

Si la fusion simplifiée concerne toutes formes sociales, son application aux sociétés par actions simplifiée (SAS) soulève des particularités tenant à la liberté statutaire.

L'article L. 227-9, al. 1er du Code de commerce précise que "les décisions qui excèdent les pouvoirs confiés aux présidents sont prises collectivement par les associés, dans les conditions et formes prévues par les statuts". La fusion relève, par défaut, de la compétence de la collectivité des associés.

Or, lorsqu'une clause statutaire impose expressément une décision collective pour approuver une fusion, celle-ci prévaut sur la dispense légale. Tel est l'enseignement dégagé par l'Association nationale des sociétés par actions (Ansa) dans sa communication n° 25-003 du 8 janvier 2025.

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Quand les statuts dérogent à la dispense prévue par la loi

La portée contraignante des clauses statutaires en SAS

En matière de SAS, les statuts font la loi des parties. Ainsi, lorsque ceux-ci prévoient que la fusion doit être approuvée par une décision collective des associés, cette exigence s'impose, même en cas de fusion simplifiée.

La position de l'Ansa est tranchée : la clause statutaire prime dès lors qu'elle ne contient pas de référence expresse à l'application des seules conditions légales. Deux exceptions sont toutefois admises :

  • si les statuts prévoient une décision collective uniquement "dans les conditions légales",
  • ou si une clause précise que la consultation des associés n'est pas requise en cas de fusion simplifiée.

En l'absence d'une telle précision, la décision collective reste obligatoire.

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Portée pratique : un retour aux associés obligatoire

Ainsi, même si l'article L. 236-11 du Code de commerce dispense de l'approbation par assemblée, cette dérogation est inopérante si les statuts exigent expressément une validation par la collectivité des associés. Le formalisme statutaire l’emporte alors sur la simplification légale.

Ce cas de figure, fréquent dans les SAS dont les statuts sont rédigés avec rigueur pour encadrer les opérations stratégiques, invite les dirigeants à une lecture attentive des clauses existantes avant toute tentative de fusion.

Conséquences pratiques pour les professionnels

Risques en cas de non-respect des statuts

Le non-respect des statuts, même dans un contexte de fusion simplifiée, expose la société à un risque de nullité de l’opération. Il en résulte également une responsabilité potentielle des dirigeants qui auraient méconnu l’obligation de soumettre la fusion à la décision des associés.

Conseils pratiques pour les praticiens

Pour les avocats, experts-comptables ou secrétaires généraux impliqués dans des opérations de restructuration, il est recommandé de :

  • vérifier systématiquement les statuts de la SAS avant d’enclencher une fusion,
  • identifier les clauses imposant une approbation collective,
  • envisager, si besoin, une modification préalable des statuts pour permettre une application de plein droit du régime de fusion simplifiée,
  • conserver une documentation rigoureuse du processus pour assurer la traçabilité des décisions prises.

Synthèse et recommandation

Ce qu’il faut retenir

  • La fusion simplifiée permet une dérogation aux formalités classiques si la société absorbante détient 100 % de la société absorbée (C. com., art. L. 236-11).
  • Cette dispense ne s'applique pas si les statuts de la SAS exigent une décision collective pour toute fusion.
  • Seules les clauses prévoyant explicitement l'application des "conditions légales" ou une exception en cas de fusion simplifiée permettent d'éviter le retour aux associés.
  • Le respect du formalisme statutaire est impératif sous peine de nullité ou de contentieux entre associés.

Pour aller plus loin

Il est judicieux, dans le cadre de la préparation d'une fusion ou d'une scission, d'intégrer une clause statutaire adaptée à la réalité opérationnelle de la SAS, tout en préservant l'agilité souhaitée par ses fondateurs.

L'accompagnement par un professionnel du droit des affaires permet de s'assurer de la validité des opérations et d’éviter tout risque juridique ultérieur.