December 13, 2024

Le Bouard Avocats

Notification d’une proposition de rectification fiscale après liquidation

Lorsqu'une société est dissoute et liquidée, des questions cruciales émergent concernant les obligations fiscales postérieures à cette liquidation. En principe, une société dissoute ne peut être destinataire d'une proposition de rectification fiscale après la publication de la clôture de sa liquidation, sauf si un mandataire ad hoc a été spécialement désigné pour la représenter. Ce principe, confirmé par plusieurs décisions du Conseil d'État, vise à garantir le respect des droits des contribuables tout en préservant les prérogatives de contrôle de l'administration fiscale.

Cet article propose une analyse approfondie du cadre légal, des conditions de désignation d’un mandataire ad hoc et des implications pratiques pour les sociétés concernées.

I. Liquidation d'une société et subsistance de sa personnalité morale

1. La fin de la personnalité morale : une extinction progressive

Selon l'article 1844-8 du Code civil, la personnalité morale d’une société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de cette dernière au registre du commerce et des sociétés (RCS). Cette continuité temporaire permet au liquidateur d’accomplir les actes nécessaires à la liquidation, tels que la réalisation de l’actif et le règlement du passif.

2. Impact de la clôture de la liquidation

À compter de la publication de la clôture de la liquidation :

  • La société perd sa personnalité morale.
  • Aucun acte ou contrôle ne peut être valablement adressé à l’ancien liquidateur, sauf désignation préalable d’un mandataire ad hoc par une juridiction compétente.

II. Notification d'une proposition de rectification fiscale

1. Les droits de l'administration fiscale

L’administration fiscale conserve le droit de contrôler les déclarations fiscales d’une société après sa liquidation judiciaire. Ce contrôle inclut :

  • L’analyse des déclarations fiscales antérieures.
  • La notification éventuelle de redressements.

Cependant, la notification d’une proposition de rectification après la liquidation est conditionnée à la désignation d’un représentant légal (mandataire ad hoc), sous peine d’irrégularité.

2. Décision du Conseil d’État : un rappel strict des règles

Dans l’affaire jugée le 19 juillet 2024 (n°488164), le Conseil d’État a annulé une procédure de rectification fiscale notifiée directement au liquidateur d’une société civile immobilière (SCI) après la clôture de sa liquidation. Le Conseil a rappelé que :

  • Une société liquidée doit être représentée par un mandataire spécialement désigné.
  • À défaut, toute notification de redressement est juridiquement invalide.

rectification fiscale après liquidation

A lire : quelles sont les différences entre une liquidation amiable et une liquidation judiciaire ?

III. Désignation d’un mandataire ad hoc : un passage obligé

1. Conditions de désignation

La désignation d’un mandataire ad hoc relève de la compétence du juge judiciaire, sur demande :

  • De l’administration fiscale.
  • Des anciens associés ou créanciers de la société.

Ce mandataire a pour rôle exclusif de représenter la société dans le cadre des litiges ou contrôles fiscaux.

2. Importance pratique de cette désignation

Le mandataire ad hoc est le seul habilité à :

  • Recevoir les notifications de rectification.
  • Répondre aux demandes de l’administration.
  • Défendre les intérêts des anciens associés ou actionnaires.

IV. Distinction entre contrôle fiscal et notification de rectification

1. Les opérations de contrôle autorisées après liquidation

Entre la publication de la clôture de la liquidation et la désignation d’un mandataire ad hoc, l’administration fiscale peut :

  • Poursuivre les vérifications commencées avant la liquidation.
  • Demander des informations ou justificatifs à des tiers.

Cependant, elle ne peut notifier aucune nouvelle pièce de procédure, y compris une proposition de rectification, sans mandataire désigné.

2. Conséquences d’une notification irrégulière

Une notification adressée au liquidateur ou à un tiers non habilité est considérée comme :

  • Nulle et de nul effet.
  • Inopposable à la société ou à ses anciens associés.

Cela entraîne l'annulation des redressements fiscaux en question.

V. Jurisprudence récente : cas pratiques et implications

1. Cas de la SCI La Verrerie

Dans l’affaire de la SCI La Verrerie :

  • L’administration fiscale a notifié un redressement au liquidateur deux ans après la clôture de la liquidation.
  • Le Conseil d’État a annulé cette procédure, soulignant que l’administration n’avait pas demandé la désignation d’un mandataire ad hoc.

2. Jurisprudence constante : une protection renforcée

Cette décision s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle cohérente, rappelant que :

  • Le respect des droits procéduraux des sociétés liquidées est essentiel.
  • L’administration doit démontrer sa diligence en sollicitant la désignation d’un mandataire dès qu’un contrôle est envisagé.

VI. Rôles et responsabilités des parties impliquées

1. Obligations de l’administration fiscale

L’administration doit veiller à :

  • Identifier les sociétés concernées par un redressement post-liquidation.
  • Solliciter rapidement la désignation d’un mandataire ad hoc.
  • Respecter les délais de prescription fiscale.

2. Droits des anciens associés ou actionnaires

Les anciens associés ont le droit :

  • D’être informés des démarches engagées par l’administration.
  • De contester la désignation du mandataire s’ils estiment que ses intérêts ne sont pas alignés avec les leurs.

VII. Questions fréquentes sur les propositions de rectification post-liquidation

1. Une société liquidée peut-elle encore être contrôlée ?
Oui, mais le contrôle doit être effectué via un mandataire ad hoc désigné par le juge.

2. Qui peut demander la désignation d’un mandataire ad hoc ?
L’administration fiscale, les anciens associés ou les créanciers peuvent en faire la demande.

3. Que risque l’administration en cas de notification irrégulière ?
Une annulation de la procédure et une impossibilité de recouvrer les redressements notifiés.

Conclusion

La notification d’une proposition de rectification fiscale à une société après sa liquidation soulève des enjeux juridiques complexes. L’administration fiscale est tenue de respecter strictement le cadre légal, notamment en sollicitant la désignation d’un mandataire ad hoc. Ce dispositif garantit une représentation équitable de la société liquidée, tout en encadrant les prérogatives de contrôle de l’administration.

Pour les sociétés concernées, une vigilance accrue s’impose afin de protéger leurs droits. L’accompagnement par un avocat spécialisé en liquidation judiciaire dans le 78 demeure essentiel pour naviguer dans cet environnement juridique exigeant et éviter les écueils liés aux procédures irrégulières.