Le Bouard Avocats
Avant d’entrer dans le détail juridique, voici l’essentiel à retenir sur le recours pour excès de pouvoir contre un rescrit fiscal défavorable :
Le rescrit fiscal est un outil essentiel de sécurisation juridique pour les contribuables. Il permet d’obtenir de l’administration une prise de position formelle sur l’application d’un texte fiscal à une situation de fait donnée. Mais que se passe-t-il lorsque cette décision est défavorable, ou encore lorsque l’administration revient sur une première position favorable ? La question de la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir se pose alors avec acuité.
La récente décision du Conseil d’État du 2 juin 2025 (n° 493848) est venue préciser ce régime, apportant des éclairages importants pour les entreprises et les particuliers.
Le rescrit fiscal est encadré par le Livre des procédures fiscales (LPF).
Ce mécanisme offre une garantie de sécurité juridique, mais il n’est pas infaillible. Il arrive que l’administration :
Dans ces hypothèses, le contribuable peut souhaiter contester la décision. La voie du recours pour excès de pouvoir (REP) apparaît alors, en théorie, comme une solution.
En principe, les décisions de rescrit ne peuvent pas être attaquées par la voie du REP. En effet, elles relèvent du contentieux fiscal et peuvent être contestées dans le cadre d’un recours de plein contentieux devant le juge de l’impôt.
Cependant, le Conseil d’État admet une exception lorsque la décision contestée entraîne des effets notables autres que fiscaux. L’idée est simple : si le contribuable, en se conformant à la décision de l’administration, subit des conséquences économiques ou juridiques qui dépassent le champ fiscal, le REP devient recevable.
Ces effets peuvent être caractérisés, par exemple, par :
L’article L. 80 B, 2° du LPF offre un cadre particulier. Il prévoit que le contribuable peut notifier son intention de bénéficier d’un régime fiscal spécifique avant de réaliser une opération. Si l’administration répond défavorablement, cette décision est présumée produire des effets notables autres que fiscaux, justifiant la recevabilité du REP.
Toutefois, cette présomption ne s’applique que si la demande est présentée préalablement à l’opération.
Dans l’affaire jugée en 2025, un médecin avait sollicité un rescrit relatif à l’exonération prévue pour les entreprises implantées en zone franche urbaine-territoire entrepreneurs (article 44 octies A du CGI). Après avoir initialement répondu favorablement, l’administration était revenue sur sa position et avait rejeté la demande.
Le contribuable a tenté d’obtenir l’annulation de cette décision par un recours pour excès de pouvoir. Or, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi, confirmant l’irrecevabilité du recours :
Cette décision confirme donc que le caractère préalable de la demande est un élément déterminant pour l’accès au juge administratif via le REP.
À la lumière de cette jurisprudence, on peut retenir plusieurs principes :
Cette précision jurisprudentielle présente des conséquences pratiques importantes :
La décision du Conseil d’État du 2 juin 2025 vient confirmer une jurisprudence constante tout en apportant une précision d’importance : l’exception de recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre un rescrit fiscal défavorable ou revenant sur une position favorable ne joue pleinement que si la demande est préalable à l’opération en cause.
Pour les entreprises comme pour les particuliers, la leçon est claire : il faut anticiper et formaliser les demandes de rescrit en amont, faute de quoi la voie du contentieux administratif risque de leur être fermée.
Le rescrit fiscal est une procédure prévue par le Livre des procédures fiscales qui permet à un contribuable, particulier ou entreprise, de demander à l’administration fiscale de se prononcer officiellement sur l’application d’un texte fiscal à une situation précise. L’objectif est de sécuriser juridiquement une opération avant sa réalisation. La réponse de l’administration constitue une prise de position formelle, qui lie cette dernière. Par exemple, une entreprise peut interroger l’administration sur l’éligibilité d’un projet à un régime d’exonération fiscale.
En principe, un rescrit défavorable relève du contentieux fiscal classique et non du recours pour excès de pouvoir. Toutefois, la jurisprudence du Conseil d’État a ouvert une brèche : lorsque la décision de l’administration, à supposer que le contribuable s’y conforme, entraîne des effets notables autres que fiscaux, un recours pour excès de pouvoir est recevable. Cela signifie qu’au-delà du simple désaccord fiscal, le contribuable peut saisir le juge administratif si la décision impacte directement ses choix économiques, contractuels ou organisationnels.
Cette notion vise toutes les conséquences négatives qui ne se limitent pas à la fiscalité pure. Par exemple :
Pour que le recours soit recevable, deux conditions principales doivent être réunies :
Sans ces éléments, le recours pour excès de pouvoir est irrecevable, et le contribuable doit se limiter au contentieux fiscal de droit commun.
Oui. Contrairement à une idée répandue, la position favorable de l’administration n’est pas toujours définitive. L’administration fiscale conserve la faculté de revenir sur une décision antérieure favorable, par exemple à la suite d’un nouvel examen du dossier. Toutefois, la nouvelle décision ainsi rendue est contestable dans les mêmes conditions qu’un rescrit défavorable. Le contribuable peut donc, si les conditions sont remplies (demande préalable, effets notables autres que fiscaux), introduire un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.