May 21, 2025

Le Bouard Avocats

Exclure un associé de SAS sans qu’il vote : que permet réellement le droit ?

L’essentiel à retenir sur l’exclusion et le droit de vote dans une SAS

  • Un associé ne peut être privé de son droit de vote que si la décision d’exclusion n’est pas une décision collective au sens juridique.
  • Lorsqu’un comité restreint est désigné dans les statuts, la loi autorise qu’un associé soit exclu sans pouvoir voter, y compris s’il est concerné.
  • En revanche, si tous les associés participent à la décision, le vote de l’associé visé est obligatoire.
  • La situation est spécifique en cas de SAS à capital variable, où seule l’assemblée générale extraordinaire peut décider de l’exclusion.

Le droit de vote : un principe fondamental en société

En matière de sociétés par actions simplifiées (SAS), la liberté statutaire est l’un des piliers de leur fonctionnement. Cette souplesse ne dispense toutefois pas les rédacteurs de statuts de respecter certains principes fondamentaux du droit des sociétés.

Parmi ceux-ci figure le droit de participer aux décisions collectives, affirmé à l’article 1844, alinéa 1er du Code civil, selon lequel « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ». Cette disposition, d’ordre public, ne peut être contournée qu’en cas de dérogation prévue par la loi.

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette exigence dans un arrêt rendu le 23 octobre 2007 [[Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16.537 FS-PBI]] : si la décision d’exclusion est prise collectivement, l’associé visé doit pouvoir y prendre part, même s’il est l’objet de la sanction.

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Comité restreint, organe tiers ou décision collective : tout dépend de la mécanique statutaire

La difficulté se pose lorsque les statuts de la SAS prévoient que l’exclusion d’un associé est décidée non par tous les associés, mais par un comité restreint ou un organe spécifique.

Dans sa communication n° 25-012 du 5 mars 2025, le comité juridique de l’ANSA a précisé les distinctions utiles :

Lorsque la décision relève d’une instance à composition universelle

Si les statuts désignent un comité d’exclusion dans lequel tous les associés sont convoqués, même si celui-ci est désigné sous un autre nom (conseil, commission, etc.), la décision prise par ce comité est juridiquement une décision collective. Par conséquent, l’associé menacé ne peut être privé de son droit de voter.

Il est donc interdit d’écarter un associé d’un vote lorsque tous les associés participent à la décision, même si le texte statutaire tente de contourner l’obstacle par une formulation équivoque.

Lorsque l’exclusion est confiée à un organe restreint

En revanche, si les statuts attribuent la compétence d’exclusion à un comité restreint, composé d’associés répondant à certains critères (ancienneté, pourcentage de détention, fondateurs…), l’associé concerné peut être exclu du processus de décision. Il s’agit alors d’une décision prise par un sous-groupe, et non par l’ensemble des associés, ce qui exclut l’application du principe de l’article 1844 du Code civil.

La jurisprudence actuelle valide cette lecture, à condition que la structure décisionnelle soit clairement définie dans les statuts, et que la désignation des membres du comité ne repose pas sur un simple artifice pour exclure l’associé visé.

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Fondement légal de la clause d’exclusion : une liberté encadrée

L’article L. 227-16 du Code de commerce dispose que :
« Les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions dans les conditions qu’ils déterminent. »

Autrement dit, la loi autorise pleinement la stipulation d’une clause d’exclusion, sans imposer de procédure uniforme. L’exclusion peut être :

  • décidée par une assemblée générale (à l’unanimité ou à la majorité définie dans les statuts) ;
  • confiée à un organe de direction (président, comité stratégique, etc.) ;
  • attribuée à un tiers arbitre ou à une commission spécialisée.

Tant que la procédure respecte le principe du contradictoire et ne viole pas les droits fondamentaux de l’associé, elle est réputée valable.

Exclure un associé de SAS sans qu’il vote

Cas particulier : les SAS à capital variable

Les SAS à capital variable sont soumises à un régime spécifique. En vertu de l’article L. 231-6, alinéa 2 du Code de commerce, « l’exclusion d’un associé ne peut résulter que d’une décision de l’assemblée générale extraordinaire ».

Par conséquent :

Ce formalisme renforcé prévaut sur la souplesse habituelle des SAS, en vertu du principe selon lequel la règle spéciale déroge à la règle générale.

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Recommandations pratiques pour les rédacteurs de statuts

La rédaction d’une clause d’exclusion dans les statuts d’une SAS requiert la plus grande vigilance. En pratique :

  • Précisez si la décision d’exclusion relève d’un organe restreint ou de l’ensemble des associés ;
  • Évitez les formulations ambiguës du type “tous les associés sauf celui visé par l’exclusion”, qui seraient requalifiées en décision collective déguisée ;
  • Déterminez clairement les critères de composition du comité, ses pouvoirs, et les modalités du vote ;
  • Assurez le respect des droits de la défense : information préalable, communication des griefs, possibilité de réponse.

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En résumé : la clé réside dans la rédaction des statuts

Le droit d’exclure un associé de SAS sans lui permettre de voter existe, mais il est strictement encadré. Il ne s’exerce valablement que si la décision n’émane pas de l’ensemble des associés, mais d’un organe distinct ou restreint désigné par les statuts.

Mal rédigée, une clause d’exclusion peut être déclarée nulle, avec des conséquences lourdes : annulation de la décision, contentieux en responsabilité, et désorganisation de la société. Un accompagnement par un professionnel du droit est donc indispensable lors de la constitution de la société ou de la révision des statuts.