Le Bouard Avocats
En matière de sociétés par actions simplifiées (SAS), la liberté statutaire est l’un des piliers de leur fonctionnement. Cette souplesse ne dispense toutefois pas les rédacteurs de statuts de respecter certains principes fondamentaux du droit des sociétés.
Parmi ceux-ci figure le droit de participer aux décisions collectives, affirmé à l’article 1844, alinéa 1er du Code civil, selon lequel « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ». Cette disposition, d’ordre public, ne peut être contournée qu’en cas de dérogation prévue par la loi.
La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette exigence dans un arrêt rendu le 23 octobre 2007 [[Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16.537 FS-PBI]] : si la décision d’exclusion est prise collectivement, l’associé visé doit pouvoir y prendre part, même s’il est l’objet de la sanction.
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La difficulté se pose lorsque les statuts de la SAS prévoient que l’exclusion d’un associé est décidée non par tous les associés, mais par un comité restreint ou un organe spécifique.
Dans sa communication n° 25-012 du 5 mars 2025, le comité juridique de l’ANSA a précisé les distinctions utiles :
Si les statuts désignent un comité d’exclusion dans lequel tous les associés sont convoqués, même si celui-ci est désigné sous un autre nom (conseil, commission, etc.), la décision prise par ce comité est juridiquement une décision collective. Par conséquent, l’associé menacé ne peut être privé de son droit de voter.
Il est donc interdit d’écarter un associé d’un vote lorsque tous les associés participent à la décision, même si le texte statutaire tente de contourner l’obstacle par une formulation équivoque.
En revanche, si les statuts attribuent la compétence d’exclusion à un comité restreint, composé d’associés répondant à certains critères (ancienneté, pourcentage de détention, fondateurs…), l’associé concerné peut être exclu du processus de décision. Il s’agit alors d’une décision prise par un sous-groupe, et non par l’ensemble des associés, ce qui exclut l’application du principe de l’article 1844 du Code civil.
La jurisprudence actuelle valide cette lecture, à condition que la structure décisionnelle soit clairement définie dans les statuts, et que la désignation des membres du comité ne repose pas sur un simple artifice pour exclure l’associé visé.
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L’article L. 227-16 du Code de commerce dispose que :
« Les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions dans les conditions qu’ils déterminent. »
Autrement dit, la loi autorise pleinement la stipulation d’une clause d’exclusion, sans imposer de procédure uniforme. L’exclusion peut être :
Tant que la procédure respecte le principe du contradictoire et ne viole pas les droits fondamentaux de l’associé, elle est réputée valable.
Les SAS à capital variable sont soumises à un régime spécifique. En vertu de l’article L. 231-6, alinéa 2 du Code de commerce, « l’exclusion d’un associé ne peut résulter que d’une décision de l’assemblée générale extraordinaire ».
Par conséquent :
Ce formalisme renforcé prévaut sur la souplesse habituelle des SAS, en vertu du principe selon lequel la règle spéciale déroge à la règle générale.
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La rédaction d’une clause d’exclusion dans les statuts d’une SAS requiert la plus grande vigilance. En pratique :
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Le droit d’exclure un associé de SAS sans lui permettre de voter existe, mais il est strictement encadré. Il ne s’exerce valablement que si la décision n’émane pas de l’ensemble des associés, mais d’un organe distinct ou restreint désigné par les statuts.
Mal rédigée, une clause d’exclusion peut être déclarée nulle, avec des conséquences lourdes : annulation de la décision, contentieux en responsabilité, et désorganisation de la société. Un accompagnement par un professionnel du droit est donc indispensable lors de la constitution de la société ou de la révision des statuts.