Le Bouard Avocats
Avant d’entrer dans le détail, voici les points essentiels à retenir concernant l’obligation de délivrance et la jouissance paisible dans le cadre d’un bail commercial :
En matière de bail commercial, la question de la durée de l’obligation de délivrance du bailleur est au cœur des litiges. L’article 1719 du Code civil impose au bailleur de délivrer la chose louée et d’en assurer la jouissance paisible pendant la durée du contrat. Pendant longtemps, la doctrine a estimé que l’obligation de délivrance ne s’appliquait qu’au moment de la remise des clés.
Dans un arrêt du 10 juillet 2025 (Cass. 3e civ., n° 23-20.491, publié au Bulletin), la Cour de cassation met fin aux incertitudes : le bailleur reste tenu de son obligation de délivrance pendant toute la durée du bail. Le locataire peut donc agir en résiliation tant que le manquement persiste, sans qu’il soit possible d’opposer la prescription.
L’obligation d’entretien et l’obligation de jouissance paisible étaient déjà considérées comme continues. L’arrêt de 2025 ajoute explicitement l’obligation de délivrance à cette logique.
L’article 2224 du Code civil prévoit une prescription de cinq ans pour les actions personnelles. La Cour précise que le délai ne commence pas à courir tant que le manquement se poursuit. Le preneur n’est donc pas enfermé dans un délai rigide : il peut agir tant que son droit est affecté.
Un bail commercial avait été conclu pour une activité forestière. Après la conclusion du bail, le bailleur avait construit un hangar et un parking sur une partie du terrain loué et les avait donnés à bail à un tiers.
Le locataire, amputé d’une partie substantielle de la surface et gêné dans l’accès aux locaux, a demandé la résiliation du bail. La cour d’appel de Colmar avait rejeté sa demande, estimant l’action prescrite.
La Cour de cassation casse cette décision. Elle juge que « la persistance du manquement du bailleur à son obligation de délivrance et de jouissance paisible constitue un fait permettant au locataire d’exercer l’action en résiliation du bail ».
Cette solution s’inscrit dans la continuité de décisions antérieures :
L’arrêt de 2025, publié au Bulletin, donne une portée normative renforcée à cette position.
Le bailleur doit rester vigilant tout au long du bail. Ses obligations ne cessent pas après la remise des lieux :
À défaut, il s’expose à une résiliation judiciaire et/ou à une demande d’indemnisation.
Le locataire bénéficie d’une sécurité accrue. Tant que le trouble persiste, il peut saisir le juge pour demander :
Cette protection est d’autant plus importante que les baux commerciaux sont longs et nécessitent des investissements significatifs. Le preneur est assuré que la consistance des locaux et les conditions d’exploitation ne pourront être modifiées unilatéralement par le bailleur.
L’arrêt du 10 juillet 2025 doit inciter les praticiens à renforcer la rédaction contractuelle :
L’avocat spécialisé en baux commerciaux a un rôle déterminant dans cette sécurisation, tant en conseil qu’en contentieux.
Cette solution dépasse la technique juridique. Le bail commercial est l’ossature de l’activité d’un commerçant ou d’un industriel. En réduire l’assiette, entraver l’accès ou compromettre la jouissance revient à fragiliser directement l’entreprise locataire.
La Cour de cassation rappelle que le bail est un contrat à exécution successive : le bailleur doit maintenir la prestation convenue pendant toute la durée du bail, garantissant au locataire une stabilité indispensable.
L’arrêt du 10 juillet 2025 confirme que l’obligation de délivrance est une obligation continue. Elle s’ajoute à l’obligation de jouissance paisible pour renforcer la protection du locataire. Le bailleur doit donc veiller constamment à respecter ses engagements, sous peine de voir sa responsabilité engagée.
Dans un contexte où la sécurité contractuelle et la stabilité économique sont essentielles, l’accompagnement d’un avocat en droit des baux commerciaux reste indispensable.