December 17, 2024

Le Bouard Avocats

Calcul délai garantie de passif : dates et risques clés

Dans le cadre d’une cession d’actions ou de parts sociales, la mise en œuvre d’une garantie de passif repose souvent sur des délais stricts imposés par les clauses contractuelles. Le non-respect de ces délais peut entraîner la déchéance des droits du bénéficiaire. La question essentielle est alors de déterminer les dates à prendre en compte pour évaluer la régularité de la notification. Une jurisprudence récente de la chambre commerciale de la Cour de cassation (« Cass. com., 6 nov. 2024, n° 23-17.551 ») apporte des précisions cruciales sur ce point.

La garantie de passif : un mécanisme essentiel lors d’une cession

La garantie de passif est une clause classique dans les contrats de cession de titres sociaux. Elle permet à l’acquéreur de se protéger contre un passif inconnu au moment de la cession. Cette garantie couvre, entre autres, les redressements fiscaux ou sociaux survenus après la cession mais dont l’origine est antérieure à celle-ci.

Pour que cette garantie puisse jouer, le bénéficiaire est tenu de notifier l’événement susceptible de déclencher la garantie dans un délai imparti. Or, la détermination des dates à prendre en compte dans le calcul de ce délai reste source de contentieux, comme le souligne l’arrêt du 6 novembre 2024.

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Une clause de garantie précisant un délai de notification strict

Dans l’arrêt précité, la clause de garantie de passif stipulait que :

  • Le bénéficiaire devait notifier tout redressement fiscal ou social au garant dans un délai de 15 jours calendaires à compter de sa survenance.

Le cas concret

L’administration fiscale a envoyé un avis de redressement à la société cédée (détenue par l’acquéreur) le 12 décembre. Cette notification a été reçue le 14 décembre par la société. Le bénéficiaire a, par la suite, transmis cet avis au garant.

La cour d’appel avait retenu que le point de départ du délai était la date d’expédition de la notification par l’administration fiscale (12 décembre). Cela plaçait le bénéficiaire en dehors du délai de 15 jours, entraînant la déchéance de ses droits à la garantie.

La Cour de cassation a censuré cette décision.

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Les dates à prendre en compte pour calculer le délai

La Cour rappelle qu’en matière de notification postale, les règles posées par l’article 668 du code de procédure civile s’appliquent :

  • À l’égard de l’expéditeur, la date de notification est celle de l’envoi (date d’expédition de la lettre recommandée).
  • À l’égard du destinataire, la date de notification est celle de la réception de la lettre.

Application pratique

En conséquence, pour déterminer si le bénéficiaire a respecté le délai de notification :

  1. Point de départ : Il convient de retenir la date de réception de la notification de redressement par la société.
  2. Point d’arrivée : La date d’expédition de la notification par le bénéficiaire au garant.

Cette solution, favorable au bénéficiaire de la garantie, évite de lui faire supporter les délais d’acheminement des courriers. Le délai court donc à compter de la réception du courrier par le bénéficiaire et non de son expédition par l’administration fiscale.

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Quels sont les risques liés à la garantie de passif ?

La garantie de passif est un outil protecteur, mais elle comporte également plusieurs risques qui doivent être pris en compte par les parties :

1. Le passif non révélé

  • Nature du risque : Certains passifs préexistants peuvent ne pas être connus au moment de la cession (ex. : dettes fiscales ou sociales cachées, litiges en cours non déclarés).
  • Conséquence : L’acquéreur pourrait se retrouver dans l’obligation d’assumer un passif non couvert par la garantie en raison d’une clause imprécise ou d’une notification tardive.

2. Le risque de défaut de paiement

  • Nature du risque : Le garant peut se révéler insolvable au moment où la garantie est mise en œuvre.
  • Conséquence : Même en cas de passif révélé et notifié dans les délais, l’acquéreur risque de ne pas obtenir le paiement des sommes dues.
  • Prévention : Demander des sûretés (cautionnement, garantie bancaire) pour sécuriser la garantie.

3. La responsabilité contractuelle

  • Nature du risque : En cas de non-respect des conditions de mise en œuvre de la garantie (ex. : notification tardive), le bénéficiaire peut perdre son droit à la garantie.
  • Conséquence : L’acquéreur supporte seul le passif.
  • Prévention : Veiller à une rédaction précise des clauses et agir rapidement en cas de redressement.

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L’importance de la rédaction précise des clauses contractuelles

La présente affaire met en lumière une réalité pratique : la rédaction des clauses de garantie de passif doit être particulièrement précise. Pour éviter toute ambiguïté, il convient de spécifier explicitement :

  • Quelle date constitue le point de départ du délai (expédition ou réception).
  • Si la notification doit être simplement « expédiée » ou « reçue » par le garant dans le délai imparti.

Exemples de formulations précises

  • « Le bénéficiaire doit expédier la notification au garant dans un délai de 15 jours à compter de la réception du redressement. »
  • « Le garant doit être réputé avoir été informé dans un délai de 15 jours à compter de la réception effective de la notification par ses soins. »

Une telle précision permet d’éviter les divergences d’interprétation ultérieures.

Les conséquences du non-respect des délais

Le non-respect des délais de notification peut avoir des conséquences majeures :

  • Déchéance de la garantie de passif : Le bénéficiaire perd son droit à la garantie.
  • Responsabilité de l’acquéreur : Ce dernier supporte seul le passif non couvert.

En cas de litige, il appartient au bénéficiaire de prouver qu’il a respecté les délais imposés par la clause. Les preuves d’envoi (avis d’expédition, accusés de réception) jouent ici un rôle déterminant.

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Conclusion : anticiper et prévoir

L’arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2024 souligne l’importance d’une bonne préparation contractuelle en matière de garantie de passif. Les parties doivent s’assurer de rédiger leurs clauses avec précision pour définir clairement les délais et les dates applicables.

Pour les acquéreurs, la prudence commande de vérifier systématiquement les délais et d’agir sans tarder dès la réception d’un avis de redressement. Pour les cédants, une vigilance particulière sur les notifications reçues s’impose pour éviter les litiges.

Une clause claire et une gestion rigoureuse des notifications constituent les meilleures garanties pour préserver les droits des parties dans le cadre d’une garantie de passif.