Le Bouard Avocats
Dans le cadre d’une cession d’actions ou de parts sociales, la mise en œuvre d’une garantie de passif repose souvent sur des délais stricts imposés par les clauses contractuelles. Le non-respect de ces délais peut entraîner la déchéance des droits du bénéficiaire. La question essentielle est alors de déterminer les dates à prendre en compte pour évaluer la régularité de la notification. Une jurisprudence récente de la chambre commerciale de la Cour de cassation (« Cass. com., 6 nov. 2024, n° 23-17.551 ») apporte des précisions cruciales sur ce point.
La garantie de passif est une clause classique dans les contrats de cession de titres sociaux. Elle permet à l’acquéreur de se protéger contre un passif inconnu au moment de la cession. Cette garantie couvre, entre autres, les redressements fiscaux ou sociaux survenus après la cession mais dont l’origine est antérieure à celle-ci.
Pour que cette garantie puisse jouer, le bénéficiaire est tenu de notifier l’événement susceptible de déclencher la garantie dans un délai imparti. Or, la détermination des dates à prendre en compte dans le calcul de ce délai reste source de contentieux, comme le souligne l’arrêt du 6 novembre 2024.
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Dans l’arrêt précité, la clause de garantie de passif stipulait que :
L’administration fiscale a envoyé un avis de redressement à la société cédée (détenue par l’acquéreur) le 12 décembre. Cette notification a été reçue le 14 décembre par la société. Le bénéficiaire a, par la suite, transmis cet avis au garant.
La cour d’appel avait retenu que le point de départ du délai était la date d’expédition de la notification par l’administration fiscale (12 décembre). Cela plaçait le bénéficiaire en dehors du délai de 15 jours, entraînant la déchéance de ses droits à la garantie.
La Cour de cassation a censuré cette décision.
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La Cour rappelle qu’en matière de notification postale, les règles posées par l’article 668 du code de procédure civile s’appliquent :
En conséquence, pour déterminer si le bénéficiaire a respecté le délai de notification :
Cette solution, favorable au bénéficiaire de la garantie, évite de lui faire supporter les délais d’acheminement des courriers. Le délai court donc à compter de la réception du courrier par le bénéficiaire et non de son expédition par l’administration fiscale.
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La garantie de passif est un outil protecteur, mais elle comporte également plusieurs risques qui doivent être pris en compte par les parties :
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La présente affaire met en lumière une réalité pratique : la rédaction des clauses de garantie de passif doit être particulièrement précise. Pour éviter toute ambiguïté, il convient de spécifier explicitement :
Une telle précision permet d’éviter les divergences d’interprétation ultérieures.
Le non-respect des délais de notification peut avoir des conséquences majeures :
En cas de litige, il appartient au bénéficiaire de prouver qu’il a respecté les délais imposés par la clause. Les preuves d’envoi (avis d’expédition, accusés de réception) jouent ici un rôle déterminant.
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L’arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2024 souligne l’importance d’une bonne préparation contractuelle en matière de garantie de passif. Les parties doivent s’assurer de rédiger leurs clauses avec précision pour définir clairement les délais et les dates applicables.
Pour les acquéreurs, la prudence commande de vérifier systématiquement les délais et d’agir sans tarder dès la réception d’un avis de redressement. Pour les cédants, une vigilance particulière sur les notifications reçues s’impose pour éviter les litiges.
Une clause claire et une gestion rigoureuse des notifications constituent les meilleures garanties pour préserver les droits des parties dans le cadre d’une garantie de passif.