Amende de 7 500 € pour défaut d’immatriculation au RNE : quels risques pour le dirigeant ?
Pourquoi l’amende de 7 500 € pour défaut d’immatriculation au RNE change la donne
Entrée en vigueur immédiate : depuis le 2 juillet 2025, la DGCCRF peut dresser une amende administrative jusqu’à 7 500 € contre toute société ou entrepreneur non inscrit au registre national des entreprises.
Champ très large : commerçants, sociétés, artisans, micro‑entrepreneurs et professions libérales sont visés ; seules les activités agricoles échappent à la règle.
Procédure expéditive : un simple contrôle, une injonction de régulariser et, faute de réponse dans le délai, la sanction tombe sans passage devant le juge.
Effets domino : gel possible des aides publiques, absence de personnalité morale, requalification pénale en travail dissimulé ; le coût global dépasse très vite l’amende.
Bouclier dirigeant : déposer le dossier RNE dès la signature des statuts, archiver les récépissés du guichet unique et mettre à jour chaque modification dans le mois – la vigilance reste la meilleure parade.
Le cadre général de la nouvelle sanction
La loi n° 2025‑594 du 30 juin 2025 inaugure, à l’article L 123‑38‑1 du Code de commerce, une amende administrative pouvant atteindre 7 500 € à l’encontre de toute personne tenue de s’immatriculer au registre national des entreprises (RNE) et qui ne s’y conforme pas. L’objectif affiché du législateur est clair : lutter contre les mécanismes de fraude que révèle souvent l’absence d’immatriculation (travail dissimulé, perception indue d’aides publiques, évasion fiscale).
Qui est visé par l’obligation d’immatriculation
Relèvent de l’article L 123‑36 C. com. :
Les personnes physiques ayant la qualité de commerçant ;
Les sociétés à objet commercial (SARL, SAS, SA, SNC…) et les GIE ;
Les professionnels de l’artisanat et agents commerciaux ;
Les associations exerçant une activité économique régulière ;
Certaines professions libérales enregistrées auprès de leurs ordres ;
Les micro‑entrepreneurs.
Exception : l’activité agricole, soumise à un registre distinct, demeure hors champ.
L’esprit de la réforme : retour à un dispositif répressif
Avant 2012, l’ancien article L 123‑4 sanctionnait déjà le défaut d’immatriculation d’une amende pénale de 3 750 €. Son abrogation a créé un vide juridique. La nouvelle loi, inspirée par une volonté de « tolérance zéro » vis‑à‑vis des structures fantômes, réintroduit une sanction, désormais administrative. La procédure est ainsi plus rapide : aucun juge préalable n’est requis, les agents de la DGCCRF disposent d’un pouvoir direct d’injonction puis de sanction.
Comment la DGCCRF constate et sanctionne
Enquête : agents habilités (art. L 450‑1 C. com.) vérifient les registres et croisent les données Urssaf, fisc et guichet unique.
Injonction : courrier recommandé fixant un délai « raisonnable » (15 à 30 jours) pour régulariser.
Décision : en l’absence de réponse ou de régularisation, décision motivée prononçant l’amende de 7 500 €.
Recours : possibilité d’un recours gracieux, puis contentieux devant le tribunal administratif (délai de deux mois).
À noter : la sanction peut viser la société et la ou les personnes physiques ayant effectivement dirigé l’exploitation non immatriculée.
Effets collatéraux pour l’entreprise
Suspension des aides publiques : l’article L 115‑3 CRPA permet de geler toute subvention si un manquement délibéré est constaté.
Perte de la personnalité morale : une société non immatriculée ne bénéficie pas de la limitation de responsabilité ; les associés répondent alors indéfiniment des dettes.
Risques pénaux : le défaut d’immatriculation va souvent de pair avec travail dissimulé (C. trav. L 8221‑1) et fraude fiscale, infractions pénalement répréhensibles.
Nullité relative des contrats : les cocontractants peuvent invoquer l’absence de capacité de la société pour faire annuler certaines conventions.
Stratégie de défense en cas de mise en demeure
Produire la preuve de saisine du guichet unique : récépissé de dépôt, accusé de réception des statuts. Une régularisation engagée de bonne foi peut convaincre l’administration de surseoir à l’amende.
Contester le délai : démontrer que le terme imposé était déraisonnablement bref au regard de la complexité de la formalité (apports en nature, agréments).
Soulever le caractère disproportionné : si l’activité n’a jamais commencé, si aucun chiffre d’affaires n’a été réalisé, l’amende peut être modulée.
Engager un recours hiérarchique : adresser un mémoire argumenté au directeur départemental de la DGCCRF avant de saisir le juge.
Bonnes pratiques pour prévenir tout contentieux
Veille juridique : suivre les mises à jour du guichet unique et des CFE ; abonnez‑vous aux lettres de la CCI et de la CMA.
Calendrier rétro‑planning : intégrer 30 jours de battement entre la signature des statuts et la première facturation pour laisser le temps à l’immatriculation.
Archivage numérique : conserver statuts, formulaires M0/P0, accusés de dépôt, premiers KBIS électroniques.
Mise à jour systématique : toute modification (siège, activité, dirigeant) doit être déclarée sous un mois ; le défaut de mise à jour reste sanctionnable (art. L 123‑38).
Tant que l’inscription n’est pas enregistrée, la société ne jouit d’aucune personnalité juridique ; elle ne peut détenir de patrimoine distinct de ses associés, ni ester en justice. Les actes conclus peuvent, en théorie, être déclarés nuls ou occasionner la responsabilité personnelle des dirigeants. La régularisation rétroagit à la date de dépôt du dossier complet ; d’où l’importance de déposer sans délai l’ensemble des pièces exigées (statuts, attestation de parution d’annonce légale, justificatif de siège, liste des bénéficiaires effectifs).
Zoom sur le guichet unique : la procédure pas à pas
Étape 1 : création d’un compte dirigeant sur formalites.entreprises.gouv.fr.
Étape 2 : remplissage du formulaire adapté (M0 société, P0 entrepreneur individuel) ; insertion des pièces PDF.
Étape 3 : paiement en ligne des frais de greffe (ou exonération pour micro‑entrepreneur).
Étape 4 : suivi du tableau de bord ; un mail avertit de l’immatriculation et du numéro SIREN.
Étape 5 : téléchargement du KBIS ou de l’extrait RNE ; transmission à la banque, à l’assureur, aux partenaires.
Questions fréquentes des dirigeants
Une société en cours de formation peut‑elle signer un bail ? Oui, mais le bailleur exigera la régularisation sous un délai précis ; à défaut, l’acte peut être repris à titre personnel par les associés fondateurs (C. com. L 210‑6).
L’amende est‑elle due si l’entreprise n’a encore aucune activité ? Oui ; l’obligation naît dès le début d’activité juridique (signature de statuts ou démarrage de commerce), indépendamment du chiffre d’affaires.
Peut‑on cumuler l’amende de 7 500 € et les pénalités fiscales ? Absolument ; la sanction RNE est administrative et n’empêche ni redressement Urssaf, ni taxation d’office.
La vigilance, meilleure parade contre l’amende
La création de l’amende de 7 500 € marque la volonté de l’État de rendre l’immatriculation au RNE indissociable de la loyauté économique. Pour le chef d’entreprise, se conformer est moins coûteux que courir le risque d’une sanction immédiate, d’un blocage d’aides publiques ou d’une remise en cause de sa responsabilité limitée. Une seule priorité : déposer et actualiser son dossier RNE sans délai, documents à l’appui, afin d’aborder tout contrôle DGCCRF avec sérénité.