September 16, 2025

Le Bouard Avocats

SA à directoire : dirigeant unique possible jusqu’à 250 000 €

La gouvernance des sociétés anonymes (SA) a toujours été un sujet technique, souvent perçu comme complexe par les chefs d’entreprise. Pourtant, elle conditionne directement la manière dont une société est dirigée et contrôlée. Depuis août 2025, une réforme importante est venue simplifier la vie de nombreuses entreprises : le seuil de capital permettant de désigner un directeur général unique dans une SA à directoire est désormais fixé à 250 000 €, contre 150 000 € auparavant.

Ce relèvement n’est pas anodin. Il offre de nouvelles marges de manœuvre aux petites et moyennes structures, qui peuvent opter pour une gouvernance allégée, plus rapide et moins coûteuse. Mais il implique aussi des choix stratégiques et des précautions juridiques à ne pas négliger.

I. Comprendre le fonctionnement d’une SA à directoire

1. Le modèle dualiste en pratique

Une société anonyme peut être organisée selon deux systèmes :

  • Le modèle moniste : la direction est assurée par un conseil d’administration, présidé par un président-directeur général (PDG) ou dissocié entre un président et un directeur général.
  • Le modèle dualiste : il repose sur un directoire, organe exécutif chargé de gérer la société, et un conseil de surveillance, qui exerce un contrôle permanent sur les décisions prises.

Le directoire est en principe composé de plusieurs personnes (deux à cinq membres, voire sept si la société est cotée). Il s’agit donc d’une gouvernance collégiale, où les décisions sont prises collectivement.

2. L’exception du directeur général unique

La loi prévoit cependant une dérogation. Lorsque le capital social est inférieur à un certain seuil, les fonctions du directoire peuvent être exercées par une seule personne : le directeur général unique. Celui-ci concentre l’ensemble des pouvoirs de gestion, tout en restant placé sous le contrôle du conseil de surveillance.

Jusqu’à l’été 2025, ce seuil était fixé à 150 000 €. Désormais, il est porté à 250 000 €.

II. Le relèvement du seuil à 250 000 € : ce que cela change pour les entreprises

1. Une mesure d’adaptation aux réalités économiques

Fixé il y a plus de trente ans, le seuil de 150 000 € ne correspondait plus au contexte actuel. L’inflation et l’évolution du financement des entreprises rendaient cette limite obsolète. En l’élevant à 250 000 €, le législateur permet à davantage de sociétés de bénéficier de la possibilité de nommer un dirigeant unique.

2. Une règle claire et binaire

Désormais :

  • Capital inférieur à 250 000 € → possibilité de désigner un directeur général unique.
  • Capital égal ou supérieur à 250 000 € → obligation de maintenir un directoire composé d’au moins deux membres.

Cette règle simple clarifie les choix de gouvernance et trace une frontière nette entre les petites et moyennes SA et celles de taille plus importante.

3. Les entreprises directement concernées

Ce sont principalement les PME et sociétés familiales, souvent créées avec un capital compris entre 150 000 € et 250 000 €, qui vont tirer profit de cette réforme. Elles peuvent désormais réduire la complexité de leur gouvernance et centraliser la direction.

III. Les opportunités offertes aux chefs d’entreprise

1. Gagner en efficacité et en réactivité

Un directoire collégial exige des réunions, des délibérations et des consensus. Cela ralentit parfois la prise de décision. Avec un directeur général unique, la société gagne en rapidité et en souplesse : un seul responsable prend les décisions exécutives, ce qui facilite l’action au quotidien.

2. Réduire les coûts de fonctionnement

Un directoire composé de plusieurs membres suppose le versement de plusieurs rémunérations et, souvent, des frais annexes liés à leur activité. En optant pour un dirigeant unique, l’entreprise réduit ces coûts. Pour un chef d’entreprise, cela peut représenter une économie significative et une meilleure maîtrise des charges.

3. Clarifier les responsabilités

Dans un directoire collégial, il peut être difficile d’identifier qui est responsable d’une décision. Avec un dirigeant unique, la responsabilité est claire et assumée par une seule personne. Cela apporte de la transparence vis-à-vis des associés, des investisseurs et des partenaires.

4. Renforcer la lisibilité vis-à-vis des tiers

Banques, fournisseurs, clients et investisseurs apprécient de traiter avec un interlocuteur unique. Cela simplifie les relations d’affaires et renforce l’image de la société en termes de réactivité et de cohérence stratégique.

IV. Les limites et les précautions à prendre

1. Un pouvoir très concentré

L’avantage de la collégialité est de confronter plusieurs points de vue, de partager les responsabilités et d’éviter les excès de pouvoir. Avec un directeur général unique, toutes les décisions reposent sur une seule personne. Cette concentration peut être un atout en termes d’efficacité, mais aussi un risque en cas d’erreurs de gestion.

2. Le rôle essentiel du conseil de surveillance

Le conseil de surveillance devient un contre-pouvoir indispensable. Il doit exercer un contrôle rigoureux sur les décisions du directeur général unique. Pour un chef d’entreprise, cela implique d’anticiper une relation de collaboration étroite avec cet organe de contrôle.

3. Les risques contentieux

Le passage d’un directoire collégial à un dirigeant unique peut poser des difficultés si les membres du directoire en place estiment avoir été écartés de manière abusive. Toute révocation ou réduction de mandat doit être justifiée et juridiquement sécurisée. Faute de quoi, l’entreprise pourrait être exposée à des litiges coûteux.

V. Comment mettre en place un directeur général unique ?

Pour un chef d’entreprise qui souhaite profiter de ce nouveau seuil, voici les étapes essentielles :

  1. Vérifier les statuts : s’assurer qu’ils permettent la nomination d’un directeur général unique ou prévoir une modification.
  2. Organiser une assemblée générale extraordinaire : réunir les associés pour approuver le changement de gouvernance et, le cas échéant, modifier les statuts.
  3. Mettre fin aux mandats du directoire : si un directoire est déjà en place, organiser la fin anticipée de leurs mandats avec prudence.
  4. Nommer officiellement le directeur général unique : établir un procès-verbal de décision, définir ses pouvoirs, sa durée de mandat et sa rémunération.
  5. Publier et déposer les actes : effectuer les formalités légales pour rendre la décision opposable aux tiers (publication dans un journal d’annonces légales et dépôt au greffe).
  6. Renforcer le rôle du conseil de surveillance : mettre en place des outils de suivi et de reporting pour encadrer efficacement l’action du directeur général unique.

VI. Conseils pratiques pour les dirigeants

  • Ne pas se précipiter : la réforme ouvre une option, mais chaque société doit analyser si elle correspond réellement à ses besoins.
  • Anticiper la croissance : une société proche du seuil de 250 000 € doit réfléchir à long terme. Si une augmentation de capital est envisagée, il faudra tôt ou tard revenir à un directoire collégial.
  • Soigner la communication interne : un changement de gouvernance peut susciter des interrogations parmi les équipes. Il est important d’expliquer clairement les raisons et les objectifs.
  • S’entourer d’un conseil juridique : pour sécuriser la procédure et éviter tout risque de contentieux, l’accompagnement d’un avocat en droit des sociétés est fortement recommandé.

Le relèvement du seuil à 250 000 € pour la désignation d’un directeur général unique dans les SA à directoire est une réforme pragmatique qui offre aux chefs d’entreprise une opportunité réelle de simplification. Elle permet de gagner en efficacité, de réduire les coûts et de renforcer la lisibilité de la gouvernance.

Mais cette liberté nouvelle doit s’exercer avec prudence. La concentration du pouvoir dans les mains d’un dirigeant unique exige une surveillance accrue, une transparence renforcée et une rigueur juridique à chaque étape.

Pour les dirigeants de PME et de sociétés familiales, cette évolution constitue un levier stratégique : bien utilisée, elle peut devenir un outil de compétitivité et de croissance. Mal gérée, elle peut en revanche fragiliser la société sur le plan juridique et organisationnel.

Check-list pratique : passer à un directeur général unique dans une SA à directoire

  1. Vérifier le capital social
    → Si le capital est inférieur à 250 000 €, l’option est ouverte.
  2. Relire les statuts
    → S’assurer qu’ils permettent la nomination d’un directeur général unique ou prévoir une modification.
  3. Évaluer les mandats en cours
    → Identifier si un directoire est déjà en place et analyser la durée des mandats.
  4. Anticiper les risques sociaux
    → Vérifier si la fin des mandats pourrait être contestée comme une révocation abusive.
  5. Organiser une assemblée générale extraordinaire (AGE)
    → Faire voter la modification des statuts et la nomination d’un directeur général unique.
  6. Rédiger le procès-verbal
    → Mentionner la décision, préciser les pouvoirs du dirigeant, sa durée de mandat et, le cas échéant, sa rémunération.
  7. Effectuer les formalités légales
    → Publier dans un journal d’annonces légales et déposer les actes au greffe du tribunal de commerce.
  8. Renforcer le rôle du conseil de surveillance
    → Mettre en place un suivi régulier de la gestion et des outils de contrôle adaptés.
  9. Communiquer auprès des partenaires
    → Informer banques, investisseurs, clients et fournisseurs du changement d’organisation.
  10. Anticiper l’avenir
    → Envisager le scénario où le capital dépasserait 250 000 €, ce qui nécessiterait de revenir à un directoire collégial.