Le Bouard Avocats



Dans le cadre d’une cession d’entreprise, le dirigeant réalise une plus value professionnelle. Il s’agit de la différence entre la valeur de cession des éléments transmis et leur valeur nette comptable. Cette plus value est, en principe, imposable à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, selon le régime applicable.
Pour les entreprises individuelles et certaines structures assimilées, le législateur a mis en place des dispositifs d’allègement, afin de faciliter la transmission et de ne pas pénaliser le départ à la retraite ou le changement de vie du dirigeant. L’article 238 quindecies du Code général des impôts fait partie de ces régimes protecteurs.
L’idée directrice est simple : lorsque la valeur des éléments transmis reste modérée, la plus value peut être exonérée totalement ou partiellement. En pratique, la mécanique est plus subtile, car tout dépend de ce que l’on considère comme étant « l’entreprise » ou la « branche complète d’activité » cédée.
L’article 238 quindecies du CGI prévoit que les plus values réalisées lors de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité peuvent être exonérées en fonction de la valeur des éléments cédés.
Deux paramètres sont donc essentiels :
Lorsque la valeur reste en dessous d’un certain seuil, l’exonération est totale. Lorsque la valeur se situe dans une tranche intermédiaire, l’exonération devient partielle. Au delà, la plus value est imposable dans les conditions de droit commun.
Toute la difficulté réside dans l’appréciation de ce périmètre. C’est précisément là que la jurisprudence récente apporte des enseignements précieux pour les chefs d’entreprise qui envisagent une cession.
La branche complète d’activité se définit comme un ensemble d’éléments permettant l’exercice autonome d’une activité économique. Concrètement, l’activité doit pouvoir être poursuivie immédiatement par le repreneur, avec ses moyens propres, sa clientèle, son organisation.
À l’inverse, lorsque plusieurs établissements ne constituent que des déclinaisons d’une même exploitation, ils relèvent d’une seule et même entreprise. Dans ce cas, la cession de l’ensemble est qualifiée de cession d’entreprise unique, même si plusieurs sites ou points de vente existent.
La frontière entre ces deux notions n’est pas purement théorique. Elle commande l’application d’un ou plusieurs régimes d’exonération et, surtout, le niveau de valeur pris en compte pour apprécier les seuils.
Pour trancher, l’administration et le juge s’attachent à la réalité économique, plus qu’à la forme des actes. Trois éléments jouent un rôle important :
Lorsque plusieurs établissements partagent la même dénomination, sont exploités sous la même enseigne et relèvent du même SIREN, ils sont regardés comme formant une seule exploitation. Peu importe alors que la cession soit réalisée par plusieurs actes notariés distincts : c’est l’unité économique qui prime.
Dans une telle configuration, l’opération est appréhendée comme une cession d’entreprise unique. La valeur prise en compte pour l’application de l’article 238 quindecies est donc la valeur totale des éléments transmis.

Dans une affaire récente, un chef d’entreprise exploitait un fonds artisanal de commerce de fleurs composé d’un établissement principal et d’un établissement secondaire. Les deux sites partageaient la même dénomination commerciale, étaient exploités sous la même enseigne et immatriculés sous un même numéro SIREN.
La cession a été réalisée le même jour, au profit d’un cessionnaire unique, mais par deux actes notariés distincts. Chaque acte portait sur un établissement, avec une valeur propre. Le cédant estimait qu’il s’agissait de deux branches complètes d’activité, chacune inférieure au seuil permettant l’exonération totale de la plus value au titre de la cession d’entreprise.
L’administration fiscale a adopté une lecture différente. Pour elle, les deux établissements formaient une seule et même entreprise individuelle. La cession devait donc être appréciée globalement, en tenant compte de la valeur totale des deux établissements.
Saisi du litige, le juge administratif a validé l’analyse de l’administration. Il a relevé que :
Ces éléments suffisaient à caractériser une unité d’exploitation. La cour a en conséquence jugé qu’il s’agissait d’une cession d’entreprise unique, et non de deux cessions de branches complètes d’activité.
La conséquence pratique est claire : la valeur totale des éléments transmis, et non la valeur isolée de chaque établissement, devait être retenue pour apprécier les seuils d’exonération de l’article 238 quindecies. Le cédant ne pouvait plus bénéficier de deux exonérations totales, mais seulement d’une exonération partielle calculée sur la base de la valeur globale.
Cette solution ferme la porte à toute stratégie consistant à « morceler » une cession d’entreprise en plusieurs actes, le même jour et au profit du même repreneur, dans l’espoir de rester en dessous des seuils d’exonération totale.
L’administration et le juge ne s’arrêtent pas à la découpe formelle de l’opération. Ils recherchent la réalité économique. Si l’ensemble cédé correspond à une entreprise unique, la cession est regardée comme une seule transmission, même si elle est habillée de plusieurs actes.
Pour le dirigeant, cela signifie que le gain fiscal attendu peut être radicalement remis en cause si la structuration de la cession ne tient pas compte de cette approche économique.
À l’inverse, lorsque le dirigeant estime exploiter plusieurs activités réellement autonomes, qui pourraient chacune constituer une branche complète d’activité, il lui appartient d’en apporter la preuve.
Cela suppose de démontrer que chaque activité dispose :
Une simple distinction comptable ou géographique ne suffit pas. La démonstration doit être étayée par des éléments concrets, cohérents et durables. Sans cela, l’administration aura beau jeu de requalifier l’opération en cession d’entreprise unique.
Avant même d’entamer des discussions avec un repreneur, le dirigeant a tout intérêt à réaliser un audit du périmètre qu’il envisage de céder. Cet audit doit permettre de répondre à une question simple : cède t il une entreprise unique ou une ou plusieurs branches complètes d’activité ?
Il convient d’identifier les établissements, les lignes d’activités, les clients, les contrats, les moyens humains et matériels. Cette photographie préalable est indispensable pour évaluer les conséquences fiscales de la cession et, le cas échéant, adapter le projet.
Lorsque plusieurs activités sont appelées à être cédées, il peut être pertinent de revoir l’organisation avant l’opération. Dans certains cas, la création de structures juridiques distinctes, la mise en place d’outils de gestion séparés ou la clarification des moyens affectés à chaque activité permettront de consolider la qualification de branche complète.
La chronologie de la cession doit également être pensée. Une cession simultanée, à un même cessionnaire, de tous les éléments d’une même exploitation conduit presque inévitablement à une cession d’entreprise unique. À l’inverse, des transmissions distinctes, portant sur des activités réellement autonomes et éventuellement à des repreneurs différents, pourront être appréciées séparément.
Dans tous les cas, la preuve de l’autonomie ou de l’unité se construit en amont, dans les contrats, l’organisation interne, les documents comptables, les échanges préparatoires.
La cession d’entreprise ne se résume pas à un acte de vente. C’est une opération complexe qui articule droit des affaires, fiscalité et stratégie patrimoniale. La jurisprudence récente rappelle avec force que, pour l’application du régime d’exonération des plus values de l’article 238 quindecies du CGI, l’administration retient une approche globale lorsque plusieurs établissements sont exploités sous une même identité et cédés à un repreneur unique.
Pour le chef d’entreprise, l’enjeu est double : sécuriser la qualification de l’opération et préserver, autant que possible, les exonérations offertes par le législateur. Cela suppose une préparation en amont, une structuration réfléchie de l’activité et un accompagnement par des conseils spécialisés.
Anticiper, documenter et structurer restent les maîtres mots pour réussir une cession d’entreprise dans les meilleures conditions juridiques et fiscales.
La cession d’entreprise correspond à la transmission d’un ensemble d’éléments permettant au repreneur de poursuivre immédiatement l’activité. Sur le plan fiscal, cette opération constitue le fait générateur d’une plus-value professionnelle.
L’administration n’examine pas uniquement la forme juridique des actes signés. Elle apprécie la réalité économique de l’exploitation.
Une cession sera ainsi qualifiée de transmission d’entreprise lorsque les éléments transmis forment un tout cohérent : même dénomination commerciale, même immatriculation, même enseigne, même organisation.
Cette qualification impacte directement l’application de l’article 238 quindecies du Code général des impôts, qui conditionne l’exonération à la valeur globale des éléments transmis.
Le dirigeant doit donc s’assurer que le périmètre cédé correspond bien à la qualification recherchée, car une erreur peut modifier l’imposition dans des proportions importantes.
La branche complète d’activité se définit comme l’ensemble des moyens permettant d’exercer une activité autonome.
Il ne suffit pas de disposer de deux établissements pour prétendre à deux branches distinctes. Il faut démontrer que chaque entité fonctionne indépendamment et peut être exploitée immédiatement par un repreneur, sans rattachement fonctionnel à la structure principale.
Les éléments à analyser sont notamment :
Lorsque plusieurs établissements sont cédés le même jour et au profit du même repreneur, l’administration considère que l’opération constitue une transmission unique.
L’analyse ne dépend pas de la rédaction des actes ni du découpage formel des actifs. Une cession simultanée à un cessionnaire unique révèle une volonté de transmettre globalement l’outil économique.
Ainsi, même si chaque établissement possède une valeur distincte, les seuils d’exonération sont appréciés sur la base de la valeur totale des éléments transmis.
Cette approche rend plus difficile toute tentative de morcellement de l’opération visant à bénéficier à tort de plusieurs exonérations. Elle rappelle que la fiscalité examine la substance de l’opération, et non uniquement son apparence juridique.
Une erreur de qualification peut entraîner la remise en cause du régime d’exonération appliqué lors de la déclaration de la plus-value.
Les risques sont multiples :
La sécurisation repose sur une préparation minutieuse. Plusieurs étapes sont essentielles :