Le Bouard Avocats



L’impôt sur les sociétés (IS) constitue l’un des piliers de la fiscalité des personnes morales. S’il s’applique naturellement aux sociétés commerciales, il peut également concerner certaines associations dont l’activité ou la gestion revêt un caractère lucratif.
La question de l’assujettissement des organismes à but non lucratif demeure centrale, en particulier lorsque surgissent des situations de rémunérations occultes, d’avantages consentis à des dirigeants de fait ou de relations privilégiées avec des entités lucratives.
La récente décision de la cour administrative d’appel de Marseille du 30 janvier 2025, rendue définitive par le Conseil d’État le 2 octobre 2025, illustre parfaitement la manière dont l’administration fiscale et le juge apprécient la notion de gestion désintéressée, condition indispensable pour prétendre à l’exonération d’impôt sur les sociétés.
L’objectif de cet article est d’expliquer, dans un style clair et rigoureux, les principes applicables à l’impôt sur les sociétés et les circonstances dans lesquelles une association peut en être redevable, à la lumière des règles légales et de la jurisprudence récente.
L’article 206 du Code général des impôts (CGI) énonce que sont passibles de l’impôt sur les sociétés toutes personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif, quel que soit leur statut juridique.
De son côté, l’article 261 du CGI prévoit que les associations légalement constituées peuvent être exonérées de TVA et, par extension, ne pas être soumises aux impôts commerciaux, à condition que leur gestion soit désintéressée et qu’elles n’exercent pas d’activité en concurrence directe avec des entreprises commerciales.
Le critère essentiel demeure donc celui du caractère désintéressé de la gestion.
Pour qu’une association soit considérée comme gérée « à titre désintéressé », plusieurs conditions doivent être réunies :
La cour administrative d’appel de Marseille, dans l’arrêt n° 23MA01555 du 30 janvier 2025, a rappelé avec force que cette appréciation porte non seulement sur les dirigeants de droit mais aussi sur les dirigeants de fait.
Ainsi, une association dont le dirigeant de fait perçoit des rémunérations, bénéficie d’avantages matériels (logement, véhicule, remboursements sans justificatifs) ou entretient des relations financières privilégiées avec des sociétés lucratives ne peut être considérée comme disposant d’une gestion désintéressée.
Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision de 2025, la cour a relevé un ensemble d’éléments révélateurs du caractère lucratif de la gestion :
Cette accumulation d’indices a suffi à caractériser une gestion non désintéressée, excluant de fait l’association du bénéfice des exonérations fiscales.
Le Conseil d’État, en rejetant le pourvoi le 2 octobre 2025 (n° 503078), a confirmé la solution.

Dès lors que la gestion perd son caractère désintéressé, l’association est considérée comme se livrant à des opérations à but lucratif.
Elle devient donc assujettie :
Dans l’affaire commentée, la cour a validé l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés et à la TVA, tout en annulant la TVS au motif que cette taxe concerne exclusivement les sociétés, et non les associations relevant de la loi de 1901.
L’arrêt de 2025 rappelle plusieurs points essentiels pour les dirigeants associatifs :
Le manquement délibéré peut également être retenu, entraînant une majoration de 40 % (article 1729 du CGI).
Pour éviter le risque d’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, il est recommandé :
L’intention de recherche « impôt sur les sociétés » renvoie ici à une problématique essentielle : le risque d’assujettissement d’une association lorsque la gestion perd son caractère désintéressé.
La jurisprudence de 2025 rappelle que la frontière entre activité associative et activité lucrative repose moins sur l’objet statutaire que sur les conditions concrètes de gestion.
Dès qu’un dirigeant tire un avantage personnel de l’association, celle-ci s’expose à une requalification lourde de conséquences.
Pour préserver leur statut fiscal et leur modèle économique, les associations doivent adopter une gestion irréprochable, transparente et strictement désintéressée.
Une association peut être assujettie à l’impôt sur les sociétés dès lors que son activité ou sa gestion présente un caractère lucratif. Conformément à l’article 206 du Code général des impôts, le simple statut « loi 1901 » ne suffit pas à garantir l’exonération : il faut démontrer que l’association n’a ni but lucratif, ni gestion intéressée.
Cela implique notamment que les dirigeants exercent leurs fonctions à titre bénévole, qu’aucune distribution directe ou indirecte de bénéfices ne soit opérée et qu’aucun avantage personnel ne soit accordé. Si l’un de ces critères fait défaut, l’association entre dans le champ de l’IS, même si son activité est à vocation sociale, éducative ou culturelle.
La gestion désintéressée constitue la condition centrale permettant aux associations d’échapper aux impôts commerciaux. L’article 261 du CGI précise que les dirigeants doivent exercer à titre bénévole, sans intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’organisme. Le juge prend en compte l’ensemble des éléments : rémunérations non déclarées, avantages en nature (logement, véhicule, frais divers), remboursements injustifiés, ou encore relations privilégiées avec des sociétés dans lesquelles les dirigeants détiennent des intérêts.
Dès lors que le dirigeant de droit ou de fait bénéficie d’avantages personnels financés par l’association, la gestion n’est plus considérée comme désintéressée. La jurisprudence de 2025 illustre parfaitement cette approche.
Oui. Les avantages en nature constituent un élément décisif dans l’analyse du caractère désintéressé de la gestion. L’article 54 bis du CGI impose aux organismes de comptabiliser explicitement la nature et la valeur de tout avantage accordé. À défaut, ces avantages sont qualifiés d’avantages occultes et réintégrés dans le résultat imposable.
Lorsque les avantages profitent au dirigeant (logement personnel, véhicule utilisé le soir et le week-end, remboursement de dépenses non professionnelles), l’association est considérée comme ayant une gestion intéressée. Elle devient donc passible de l’impôt sur les sociétés, comme l’a confirmé la CAA de Marseille dans l’arrêt du 30 janvier 2025.
Le dirigeant de droit est celui qui détient formellement les fonctions de direction, généralement désigné par les statuts ou par l’assemblée générale. Le dirigeant de fait, lui, est la personne qui exerce en pratique les pouvoirs de gestion, sans être officiellement nommée.
En fiscalité, la distinction importe peu : ce qui prime est le rôle effectif dans la gestion. Si un dirigeant de fait perçoit des rémunérations ou bénéficie d’avantages financés par l’association, la gestion perd son caractère désintéressé. Le juge administratif retient une analyse concrète des faits et peut requalifier la situation, comme l’a démontré l’affaire de l’École Nationale des Scaphandriers. L’association devient alors imposable à l’IS, indépendamment de l’absence de mandat officiel.
Les risques sont multiples et souvent lourds. D’abord, l’association peut être requalifiée en organisme à but lucratif, entraînant son assujettissement immédiat à l’impôt sur les sociétés, à la TVA et, dans certains cas, à d’autres taxes fiscales. Ensuite, les dépenses injustifiées ou non documentées peuvent être réintégrées dans le résultat imposable, augmentant mécaniquement le montant des rappels.
En outre, l’administration peut appliquer des majorations pour manquement délibéré (40 %), comme prévu par l’article 1729 du CGI, si elle estime que l’association ne pouvait ignorer l’irrégularité de sa gestion. Enfin, les dirigeants peuvent être exposés à des redressements personnels en cas d’avantages occultes ou de distributions déguisées.