Quelles sont les obligations légales du bailleur commercial envers le locataire professionnel ?
Les obligations du bailleur commercial en résumé
Le bailleur doit délivrer un local conforme, en bon état et adapté à l’activité prévue au bail, conformément aux articles 1719 et 1720 du code civil.
Il est tenu d’assurer la jouissance paisible des lieux, garantissant l’exploitation du commerce sans trouble ni obstacle imputable au propriétaire.
Les grosses réparations, les travaux structurels et certaines mises aux normes obligatoires restent à la charge du bailleur en vertu de l’article 606.
Le bailleur doit respecter les obligations de conformité (sécurité, accessibilité, performance énergétique) et fournir les diagnostics réglementaires.
En cas de manquement, le locataire peut solliciter l’exécution forcée, une réduction ou suspension du loyer, voire la résiliation du bail et des indemnités.
L’obligation de délivrance du local : une condition de viabilité de l’exploitation
Un local matériellement et juridiquement exploitable
Le bailleur est tenu de délivrer au preneur un local conforme à ce qui a été convenu. L’article 1719 du code civil impose une délivrance « en bon état de réparations de toute espèce » et apte à l’usage prévu au contrat.
Concrètement, cela signifie que le local doit être :
adapté à la destination prévue au bail (restaurant, commerce de détail, activité de service, etc.)
juridiquement compatible avec l’activité (règlement de copropriété, autorisations éventuelles, conformité aux normes applicables)
Un local loué pour une activité de restauration qui ne permettrait pas l’installation d’une extraction adaptée, par exemple, est un cas typique de délivrance non conforme.
Diagnostics, informations et état des lieux
La délivrance ne concerne pas seulement les murs. Le bailleur doit aussi remettre au preneur l’ensemble des documents réglementaires, notamment :
le diagnostic de performance énergétique
l’état des risques, lorsqu’il est requis
le diagnostic amiante, si le bâtiment est concerné
un état des lieux d’entrée détaillé, devenu obligatoire en bail commercial
Ces éléments sont essentiels pour apprécier la qualité du local, les risques attachés à son occupation et les travaux éventuellement nécessaires.
Sanctions possibles en cas de délivrance défaillante
En cas de délivrance non conforme, un dirigeant peut envisager plusieurs actions :
exiger la réalisation des travaux nécessaires
suspendre le paiement du loyer sur le fondement de l’exception d’inexécution lorsque l’exploitation est gravement affectée
La jouissance paisible du local : un impératif de continuité pour l’entreprise
Une garantie de stabilité pendant toute la durée du bail
Le bailleur doit assurer au preneur une jouissance paisible des lieux. Cette obligation, également issue de l’article 1719 du code civil, implique que le locataire puisse exploiter son activité sans être perturbé par des troubles imputables au propriétaire.
La jouissance paisible couvre notamment :
les troubles de droit (contestation de propriété, servitudes non révélées, limitation d’usage inconnue)
les troubles de fait (nuisances, travaux abusifs, entraves à l’accès)
Pour un chef d’entreprise, cette obligation se traduit par un droit à la continuité d’exploitation.
Exemples de manquements à la jouissance paisible
Plusieurs situations peuvent caractériser un défaut de jouissance paisible :
travaux organisés par le bailleur rendant l’accès du public impossible pendant une période prolongée
bruit ou nuisances provenant d’un autre local appartenant au même propriétaire, sans intervention de sa part
infiltrations, humidité ou défauts structurels connus mais non réparés
non-respect du règlement de copropriété qui entraîne des restrictions d’usage pour le preneur
Même lorsque les troubles proviennent d’un tiers, le bailleur doit, à tout le moins, intervenir et ne peut rester indifférent si la sécurité ou l’exploitation sont menacées.
Recours du preneur en cas de troubles
En cas de manquement, le preneur peut demander :
la cessation du trouble, éventuellement sous astreinte
la réparation du préjudice subi (perte de chiffre d’affaires, atteinte à l’image, coûts supplémentaires)
la résiliation du bail commercial lorsque les troubles rendent l’activité impossible ou très gravement perturbée
L’obligation d’entretien et de réparation : un enjeu de coûts et de conformité
Distinction entre grosses réparations et réparations locatives
Le bailleur doit entretenir les locaux afin qu’ils restent aptes à l’usage prévu. L’article 1720 du code civil l’y oblige. L’article 606 définit, pour sa part, les grosses réparations qui restent à sa charge.
La distinction est déterminante pour un chef d’entreprise :
les grosses réparations (structure, toiture, murs porteurs, réseaux principaux) relèvent du bailleur
les réparations locatives et l’entretien courant sont, en principe, à la charge du preneur
Travaux qui restent obligatoirement à la charge du bailleur
Sauf texte particulier, le bailleur doit assumer :
la réfection de la toiture ou des éléments structurels
la consolidation des murs porteurs ou des fondations
les mises aux normes imposées par l’administration lorsqu’elles touchent à la structure ou à la sécurité
les travaux nécessaires pour garantir la solidité et la salubrité de l’immeuble
La loi Pinel est venue limiter la possibilité de transférer ces charges au preneur : certaines dépenses ne peuvent plus être répercutées contractuellement.
Clauses de transfert de charges : vigilance pour le dirigeant
Si le bail peut prévoir une répartition des charges et certains transferts, des limites s’imposent :
les grosses réparations ne peuvent pas être valablement mises à la charge du preneur
les travaux de mise aux normes imposés par la loi ou l’administration, lorsqu’ils concernent la structure, doivent rester à la charge du bailleur
les clauses contraires aux textes d’ordre public sont réputées non écrites
Il est donc essentiel, pour un chef d’entreprise, de faire analyser la rédaction des clauses de charges et de travaux avant signature.
Obligations complémentaires du bailleur : conformité, normes et information
Au-delà des obligations principales, le bailleur commercial doit veiller à ce que le local demeure conforme aux normes applicables à l’activité :
sécurité incendie et issues de secours pour les établissements recevant du public
accessibilité aux personnes handicapées lorsque la réglementation l’exige
respect des exigences de performance énergétique dans certaines situations
Il doit également informer le preneur de tout élément de nature à affecter l’exploitation : risques connus, procédures administratives susceptibles de conduire à des travaux, contraintes réglementaires spécifiques.
Le défaut d’information ou l’absence de mise aux normes peuvent engager sa responsabilité et, dans certains cas, conduire à une remise en cause du bail.
Impact des manquements sur la durée, l’exécution et le renouvellement du bail
Effets sur l’exécution du bail
Lorsqu’un bailleur ne respecte pas ses obligations, l’entreprise peut se trouver en difficulté : baisse de fréquentation, impossibilité temporaire d’ouvrir, surcoûts liés à des mesures de sécurité, perte de clientèle.
Juridiquement, le preneur peut :
mettre en demeure le bailleur d’exécuter ses engagements
demander en justice l’exécution forcée des travaux
suspendre tout ou partie du loyer lorsque le manquement est suffisamment grave
obtenir des dommages et intérêts pour compenser la perte d’exploitation
Effets sur le renouvellement et la fin du bail
Au moment du renouvellement, les manquements du bailleur ne sont pas neutres. Ils peuvent :
justifier une remise en cause du montant du loyer si la valeur locative a été affectée
fonder une demande d’indemnité en cas de préjudice durable
influencer les discussions sur les travaux à réaliser avant un nouveau cycle contractuel
En cas de manquement grave, le preneur peut aussi solliciter la résiliation du bail aux torts du bailleur, sans attendre le terme contractuel.
Synthèse opérationnelle pour les chefs d’entreprise
Pour un dirigeant, les obligations du bailleur commercial ne constituent pas un simple arrière-plan juridique. Elles sont un véritable levier de gestion des risques.
À retenir :
le bailleur doit délivrer un local conforme, exploitable et adapté à l’activité
il doit garantir une jouissance paisible et intervenir en cas de troubles affectant l’exploitation
il supporte les grosses réparations et les travaux de mise aux normes structurelles
il doit informer le preneur et lui remettre l’ensemble des diagnostics et documents obligatoires
en cas de manquement, le preneur dispose de recours puissants : exécution forcée, suspension de loyer, résiliation, indemnisation
Pour sécuriser une implantation stratégique, renégocier un bail ou réagir à un manquement du propriétaire, l’appui d’un avocat en droit commercial et en baux commerciaux est souvent déterminant. Il permet de transformer un rapport de force défavorable en outil de protection efficace du fonds de commerce et de la trajectoire de l’entreprise.